
Alors que la vie de Solange Ferreri bascule du tout au tout en février 1910, suite à son placement à deux ans et demi à l’Hospice des enfants assistés de Paris, son dossier est presque vide pour la période allant de son arrivée à l’agence d’Issoire en 1910, jusqu’à ses 13 ans. Cependant, une recherche approfondie et systématique à travers les recensements de 1911 sur le site des archives départementales du Puy-de-Dôme m’a permis de la retracer à Manglieu une ville d’environ mille habitants située à moins de 20 kilomètres à l’est d’Issoire.
Ainsi, elle avait été placée chez Jacques Labbé, 48 ans, et sa femme Marie Louise Jarrige, 34 ans, qui vivaient hors du bourg dans le hameau de Le Montel totalisant neuf maisons et autant de familles. Le couple de propriétaires-cultivateurs avait déjà deux enfants plus âgés que Solange: Joséphine et Albert qui ont respectivement 11 et 8 ans de plus qu’elle.


À l’époque, Manglieu avait quatre instituteurs, deux hommes et deux femmes, pour enseigner à une centaine d’élèves dans des groupes multi-niveaux et possiblement mixtes. Sur l’ensemble des élèves, un peu plus du tiers étaient des enfants assistés venant soit du département de la Seine comme Solange, soit du Puy-de-Dôme. L’école située à plus de cinq kilomètres du hameau de Le Montel était dans la même bâtisse que la mairie comme c’est souvent le cas dans les petites villes de France.

Solange allait probablement à l’église tous les dimanches alors que la ville prie et communie à l’église romane de Saint-Sébastien. Construite sur le site d’une ancienne abbaye, l’église devenue paroissiale au 18e siècle est classée monument historique et protégée depuis le 19e siècle.
Si le dossier de Solange nous donne très peu ou pas d’information sur son placement en nourrice et sur ses années de scolarité, les choses changent en 1920 alors qu’elle commence à être gagée.
Ayant à peine fini ses études primaires, elle a été placée comme domestique à Échandelys chez un certain Dissard. Jean Dissard, 53 ans, et sa femme Jeanine Coudeyras, 48 ans, sont cultivateurs mais habitent au bourg. Elle va rester chez eux pendant quatre ans.

Échandelys est alors une commune agricole d’environ 800 habitants située à une trentaine de kilomètres d’Issoire. De nombreux enfants et adolescents de l’assistance publique de la Seine ainsi que du Puy-de-Dôme y sont placés. Ainsi, selon le recensement de 1921, Échandelys et les bourgs environnants hébergent 66 enfants assistés incluant 31 enfants et adolescents du département de la Seine, principalement de Paris et Pantin ainsi que 35 pupilles originaires pour la plupart de Clermont-Ferrant.

Au début, elle est gagée pour presque rien soit 165 francs pour 10 mois alors que la moyenne est d’environ 300 francs par an pour une fille de 13 à 14 ans. L’année suivante, ses gages montent à 200 francs encore bien en dessous de la moyenne qui est à environ 350 francs par an. Il faut noter qu’elle était logée, nourrie et blanchie. Juste le blanchissage était évalué à 95 francs par an et faisait sûrement partie de la négociation. La dernière année, elle est gagée à 400 francs par an qui, en tenant compte du blanchissage, est le prix normal pour une fille de 16-17 ans.

pendant l’année 1920 présenté par le directeur général de l’assistance publique
au préfet de la Seine p. 55, Gallica
Selon les témoignages, les négociations sont souvent serrées et les directeurs d’agence sont parfois obligés de baisser les prix dans l’intérêt des adolescents, mais aussi de l’administration qui poursuit plusieurs objectifs incluant ceux de réduire leurs frais de gestion et d’entretien, d’éviter au maximum l’oisiveté des jeunes ainsi que de leur donner une expérience de travail et possiblement une expertise et un métier qui leur permettra de gagner leur vie.

À l’âge de 16 ans, elle change de famille et est gagée à St-Genès-la-Tourette, une localité de 600 habitants située à une dizaine de kilomètres d’Échandelys. Elle n’y restera qu’un an et demi. Son patron, Jean Roussel préférant avoir un garçon qui peut l’aider à cultiver la terre.


Dès le mois d’août 1925, alors qu’elle va avoir 18 ans, Solange s’installe rue de la Berbiziale à Issoire où elle est gagée comme domestique chez Aimé Chassagne expert-géomètre, qui a repris l’étude de son père Jules-Pierre Chassagne. Au début de son contrat, Aimé Chassagne, âgé de 30 ans, vit seul avec sa femme Jeanne âgée de 24 ans.

et les noms et adresses de ses employeurs de 1920 à 1928
Au cours des trois années où elle travaille chez les Chassagne, ses gages vont augmenter régulièrement pour passer de 500 francs, en 1925 à 1100 francs par an, en 1927. Cette augmentation est sans doute due au fait qu’en 1926 les Chassagne ont eu une petite fille Marie, ce qui accroît beaucoup la charge de travail de Solange. Malheureusement, Aimé Chassagne meurt au début de 1931, mais Solange n’est déjà plus à leur service. Elle les a quitté le 30 mars 1928, à la fin de son contrat soit quelques mois avant de fêter ses 21 ans.
Au cours de ses dix-huit ans de placement en Auvergne, Solange a perdu tout contact avec ses racines italiennes et s’est totalement intégrée à son nouvel environnement. Elle est devenue tout à fait Française, un sentiment que partagera ma mère pour qui ses origines italiennes avaient aussi peu d’importance.
Not an easy life for Solange! Nice description of the church and school
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Thanks, yes indeed she had to work very early on and was a hard worker all her life.
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