
Selon les histoires que j’ai entendues depuis ma plus tendre enfance, mes arrière-grands-parents maternels étaient italiens et plus précisément siciliens. Si j’ai pu confirmer au moins en partie ces origines italiennes, la partie sicilienne reste encore à vérifier car retrouver leur trace n’est pas chose facile, surtout quand on ne parle pas italien.

Un des premiers éléments de leur histoire que j’ai pu retracer est l’acte de naissance de leur premier enfant. Ma grand-tante Suzanne dont je parle dans l’article L comme Suzanne Lorcia.
On est fin décembre 1902, le jeune couple n’est pas encore marié. Thomas Ferreri a 24 ans alors que sa compagne Charlotte Campo en a seulement 19. Ils vivent au 20 rue du Quatre-Septembre dans un bel édifice de style haussmannien au coin de la rue de Choiseul, dans le quartier de la Bourse. Ce quartier du 2e arrondissement, situé au centre de la ville, est grouillant d’activité avec sa clientèle d’affaires et ses multiples commerces.

De l’autre côté de la rue, en face de leur immeuble, se trouvent les grands magasins de la Paix qui occupent tout le bloc bordé des rues de la Michaudière, St Augustin, de Monsigny et Choiseul. Ils ont ouvert leurs portes en 1869 et rivalisent avec d’autres établissements du même genre aussi appelés magasins de nouveautés comme le Printemps et la Samaritaine ainsi qu’avec les plus récentes Galeries Lafayette.
Ce sont les magasins de la Paix reconnus pour leur vaste choix de tissus originaux qui ont servi d’inspiration à Émile Zola pour son roman « Au bonheur des dames » publié en 1883 et prépublié en 1882 dans le quotidien Gil Blas.


Les magasins de nouveautés : histoire rétrospective et anecdotique par Paul Jarry / Gallica
Comme Thomas est tailleur pour dames et Charlotte couturière, il se peut même qu’ils aient travaillé aux magasins de la Paix, à moins que ce ne soit pour un des plus modestes mais nombreux magasins de nouveautés concurrents des rues avoisinantes ou encore pour une des grandes maisons de couture installées près de l’Opéra.
À l’époque, Paris a vécu et vit encore un grand bouleversement. De 1853 à 1870, le baron Haussmann, préfet de la Seine, a entrepris des travaux énormes afin de complètement changer la physionomie de Paris et en faire une ville moderne. Les rues étroites et insalubres du centre ont été détruites pour faire place à de grandes artères.
Ainsi, la rue du Quatre-septembre dont la création a été décrété par Napoléon III, en 1864 sera finalisée en 1868. D’abord nommée rue du Dix-Décembre en l’honneur de l’élection en 1848 de Louis-Napoléon Bonaparte comme président de la République, la rue a été rebaptisée en 1870 pour marquer la proclamation de la 3e république, le 4 septembre de la même année.

face l’édifice au 20 de la rue du même nom qui fait
le coin avec la rue de Choiseul
Si Haussmann a été démis de ses fonctions en 1870, les changements qu’il avait amorcés n’ont pas été arrêtés pour autant. Un impressionnant système d’égouts a été construit ainsi que le réseau du métro. C’est ainsi qu’en 1902, la rue du Quatre-septembre est un vaste chantier. Juste en face de chez eux et à côté des magasins de la Paix, la rue est éventrée pour la future station du Quatre-septembre qui ouvrira le 3 novembre 1904. Tout le monde en pâtit, les commerçants tout comme les habitants des immeubles voisins.
L’emplacement de la station du Quatre-Septembre, située entre Opéra et Bourse sur la ligne 3 qui traverse Paris d’est en ouest, avait probablement été en partie choisi pour desservir l’importante clientèle qui fréquentait les nombreux magasins de nouveautés du quartier. Cependant, tous ces travaux et les inconvénients qu’ils ont engendrés ont peut-être accéléré le déclin des magasins de la Paix qui ont fini par fermer leurs portes, quoique je n’en connaisse pas la date exacte.
De toute façon, le quartier était loin d’être idéal pour élever une famille. Aussi, Thomas et Charlotte vont-ils déménager. À la naissance de leur fils Gabriel, trois ans plus tard, ils habitent au 16 rue Jacquemont dans le 17e arrondissement, dans un quartier beaucoup plus tranquille. Voir I comme Inondation du siècle 2/2 pour en savoir plus.
Very descriptive. Felt like I was there. The story really drew me in
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