X comme Stalag XI A 2/2

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Les baraques du Stalag XI A dont chacune pouvait héberger environ 200 hommes.

De 1939 à 1945, plusieurs millions de soldats d’une vingtaine de nationalités différentes ont été fait prisonniers et envoyés dans des camps de travail en Allemagne. Ces chiffres incluaient plus d’un million et demi de soldats français pour la plupart des hommes d’âge mûr, des pères de famille.

En 1940, mon père qui n’avait que 25 ans faisait probablement partie des jeunes. Il était aussi en excellente forme physique. Son registre militaire indique, entre autres, qu’en 1937, il avait participé à la première édition du Brevet Sportif Populaire. Une initiative visant les jeunes, mise en place par le gouvernement du Front Populaire. Quand il allait en sortir, cinq ans plus tard, il n’avait que 30 ans mais était alors un homme malade, amaigri et prématurément vieilli mais surtout brisé par son expérience.


L’Allemagne gère une cinquantaine de Stalags (Stammlager), des camps de travail pour les soldats et sous-officiers de toutes nationalités et plusieurs dizaines, certaines listes en mentionnent une quarantaine, de Oflags (Offizierlager) ou camps d’officiers ayant été fait prisonniers. De plus, les prisonniers sont organisés en kommandos de travail qui sont envoyés en travail forcé dans différents milieux agricoles, industriels et miniers afin de remplacer la main-d’oeuvre allemande partie au front. Au total, plus de 82 000 kommandos ont été répertoriés et les conditions de détention et de travail étaient aussi diverses que leur nombre.

Liste des différents stalags et oflags situés en Allemagne et où ont été envoyés les soldats, sous-officiers et officiers français ainsi que d’autres nations Gallica
L’Allemagne avait organisé une cinquantaine de Stalags, des camps de travail pour les soldats et sous-officiers de toutes nationalités et une dizaine de Oflags, des camps d’officiers ayant été fait prisonniers

« Les autorités militaires allemandes recensent les prisonniers et communiquent à leur organisation de renseignements, installée à Paris, les listes établies. Les autorités allemandes déclarent détenir 29 000 officiers et 1 900 000 sous-officiers et soldats. Le gouvernement français (Secrétariat d’État aux anciens combattants) donne 1 850 000 Français prisonniers, alors que la Croix-Rouge internationale recense 1 605 000 fiches individuelles établies. C’est donc à peu près 10% de la population masculine adulte de la France qui est captive, 4% de la population totale. » http://www.archives18.fr/arkotheque/client/ad_cher/_depot_arko/articles/2713/les-prisonniers-de-guerre-francais-de-la-seconde-guerre-mondiale_doc.pdf

En principe, les prisonniers sont protégés par la convention de Genève de 1929 qui établit, entre autres, le concept de puissance protectrice. Au début de la guerre, les soldats français sont donc placés sous la protection des États-Unis qui sont encore neutres dans le conflit. Mais la situation va changer avec la nomination de Georges Scapini comme ambassadeur pour traiter de la question des prisonniers de guerre. Le gouvernement de Vichy, qui collabore avec l’Allemagne, va signer, dès fin 1940, un accord qui va soustraire les prisonniers français à la protection du droit international.

« Mais le 20 août 1940, le maréchal PÉTAIN charge Georges SCAPINI, député de Paris, de «traiter avec le gouvernement allemand les questions relatives aux prisonniers de guerre. Il aura, pendant cette mission, rang et prérogatives de ministre plénipotentiaire». Le 22 septembre 1941, un nouveau décret lui confère le rang d’ambassadeur. Il dirige donc le Service diplomatique des prisonniers de guerre, dit Mission Scapini, qui a une délégation à Berlin. Et c’est lui qui, le 16 novembre 1940 à Berlin, signe le protocole qui substitue la France aux États-Unis comme puissance protectrice des prisonniers de guerre français. Dès lors, ils ne relèvent plus du droit international issu de la Convention de Genève, mais d’un accord d’État à État dans le cadre de la politique de collaboration… »

Très tôt, la propagande s’organise pour justifier la collaboration du gouvernement de Vichy, des cercles Pétain sont créés avec l’aide de la Mission Scapini. Mais il semblerait qu’au fil du temps peu de prisonniers aient été dupes et que Scapini était généralement détesté par les prisonniers français.

l’intérieur d’une baraque avec ses quelques poêles à chauffage de Pol Paste http://ppasteprisonnierdeguerre.over-blog.com/article-stalag-xi-a-altengrabow-photos-de-groupe-de-prisonniers-100791456.html

Chaque baraque du stalag XI A pouvait héberger environ 200 hommes. Mais celles-ci étaient peu ou pas isolées et pendant cinq ans, les prisonniers y ont souffert du climat continental de l’Allemagne alors qu’il faisait très chaud en été et très froid en hiver sans parler du manque total d’intimité.


« Pour ceux qui vivent dans les camps, ils sont logés dans des baraquements en bois mals [sic] isolés où il fait froid l’hiver et très chaud l’été.
La nourriture est très insuffisante en qualité comme en quantité, mais est fort heureusement complétée par les colis envoyés par la famille, la Croix-Rouge et autres organismes d’aide aux prisonniers. Mais la faim tenaillera toujours les prisonniers, d’autant plus qu’avec la libération de la France, l’envoi de colis n’est plus possible et que la situation alimentaire se détériore donc en fin de conflit. Les lits et les vêtements sont infestés de vermine. Poux, puces et punaises sont de nouveau les compagnons des soldats français comme ils l’ont été en 1914-1918 dans les tranchées. »
http://www.archives18.fr/arkotheque/client/ad_cher/_depot_arko/articles/2713/les-prisonniers-de-guerre-francais-de-la-seconde-guerre-mondiale_doc.pdf

On peut facilement imaginer le stress subit par ces hommes qui ont voyagé et vécu dans des conditions déplorables alors qu’ils manquaient de tout et dont l’avenir était incertain. Dans de telles circonstances, la réception de nouvelles et de colis de nourriture, vêtements et de livres de leur famille était très important d’autant plus que cette aide était en partie défrayée grâce à l’allocation militaire payée à la famille pendant la captivité du soldat. Ces envois étaient pris en charge par les administrations françaises et allemandes mais, il y avait des règles à suivre, des conditions à remplir comme en témoigne la circulaire du 11 octobre 1940. Des conditions semblables s’appliquaient au courrier qu’ils pouvaient recevoir et envoyer.

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Circulaire relative aux colis pour les prisonniers en provenance de la zone occupée

Note E. P. 1-2-4 du 11 octobre 1940 relative à l’envoi à partir de la zone occupée de paquets aux prisonniers de guerre en Allemagne L’autorité allemande autorise à partir du 1er octobre l’envoi de colis postaux et de paquets-poste aux prisonniers de guerre internes en Allemagne. Chaque prisonnier pourra recevoir un colis postal de 5 kilogrammes tous les deux mois plus un paquet-poste de 1 kilogramme tous les mois, celui-ci pouvant être remplacé par deux paquets de 500 grammes… Sont également admis: – Les denrées alimentaires non susceptibles de détérioration telles que les conserves en boites soudées… -Les livres neufs de caractère récréatif -Les cigarettes et le tabac… http://www.histoire-et-philatelie.fr/pages/001_france_assujettie/08_militaires_prisonniers_ou_internes.html#prisoguerre

Pièce de théâtre montée et jouée par les prisonniers. On remarque les décors réalisés avec les moyens du bord et la photo de Pétain au-dessus de la scène. http://ppasteprisonnierdeguerre.over-blog.com/article-stalag-xi-a-altengrabow-photos-de-groupe-de-prisonniers-100791456.html

Afin de tuer l’ennui, les prisonniers s’occupaient comme ils pouvaient. Mon père, qui était un homme tranquille, aimait la lecture. D’autres étaient musiciens ou s’intéressaient au théâtre. De plus, certains artistes français venaient donner des spectacles. Ce fut le cas de Maurice Chevalier qui avait lui-même passé quelques années à Altengrabow comme prisonnier durant la Première Guerre mondiale.

Le stalag XI A fut libéré le 3 mai 1945 par le 9e régiment de l’armée américaine alors que les Russes sont arrivés peu de temps après pour empêcher le rapatriement des soldats polonais et italiens par les Américains.

« Le stalag XI A sera libéré, le 3/5/1945, par la IX ° armée américaine, rejointe le lendemain par les Russes. Le 25 Avril 1945, l’une des dernières opérations aéroportées de l’ETO, nom de code opération Violet, a eu lieu. Six équipes composées d’officiers et hommes du Commonwealth, des services armées françaises et américaines et sous le commandement du Major Worrall devaient être largués près du camp, pour assurer la protection des prisonniers de guerre, pour évaluer les besoins humanitaires, pour assurer un transfert pacifique du camp à l’autorité des Alliés. Cependant, les équipes ont été dispersées pendant la chute et tous les membres ont été rapidement capturés et transférés au camp Altengrabow. Là, les nouveaux prisonniers de guerre ont exhorté le commandant du camp, le colonel Ochernal à coopérer et à une liaison radio entre le camp et SHAEF, puis Siège SAARF a été établie. Le 2 mai Worrall reçu un mot de Siège SAARF que le colonel Ochernal avait conclu un accord avec le commandant de la 83° Division d’infanterie américaine, M Robert Macon, puis le siège à Zerbst: Macon fournirait les camions nécessaires pour commencer l’évacuation des prisonniers de guerre à Zerbst, et Ochernal fournirait des sauf-conduit pour l’évacuation ». « Le 3 mai, 70 camions chargés de vivres et 30 ambulances avec des équipes médicales sont arrivés à Altengrabow dans l’enthousiasme des prisonniers de guerre. Étaient également présents 40 correspondants de guerre rattachés à IX°armée américaine qui ont été pilotés par un responsable des relations publiques, content de montrer la libération du camp par les américains. Américains, britanniques, français et prisonniers de guerre belges ont été évacués en premier. Les Américains ont promis de fournir, 2 fois par jour, une navette jusqu’à ce que tous les prisonniers de guerre occidentaux, soient évacués. L’après-midi du 4 mai l’armée russe est arrivée au camp. L’ensemble des prisonniers occidentaux ont été autorisés à partir, mais les Russes ont refusé d’évacuer un groupe de Polonais qui avaient demandé à être rapatriés à l’Ouest, ainsi qu’un groupe de prisonniers de guerre italiens. » http://ppasteprisonnierdeguerre.over-blog.com/article-stalag-xi-a-altengrabow-photos-de-groupe-de-prisonniers-100791456.html

Rapatrié le 16 mai 1945, mon père sera démobilisé le 22 juin 1945 soit cinq ans, jour pour jour, après avoir été fait prisonnier. Les films et photos de l’époque présentent un départ d’Allemagne en camions traversant des villes presque totalement détruites par les bombardements alliés, alors qu’une population allemande résignée les regarde passer. Enfin, une arrivée en train dans une gare française où les attendent une fanfare militaire et des parents, surtout des femmes.

Photo de mon père avec sa soeur après son retour en France

Qui attendait mon père à son retour à Paris? Peut-être sa mère qui est cependant très malade et qui mourra quelques mois plus tard, peut-être sa soeur qui a quatre enfants et a perdu son mari deux ans plus tôt dans un accident de travail.

Même si on en parlait peu à l’époque, mon père a surement souffert de stress post-traumatique. Ses nièces, qui avaient alors entre six et treize ans, m’ont raconté qu’il les prenait dans ses bras et se mettait à l’abri chaque fois qu’il entendait le tonnerre, comme s’il s’agissait de se protéger des bombes qui avaient dû tomber très prés de son camp. J’imagine que son retour à la vie civile a dû être particulièrement difficile. Rien n’était plus pareil. La France avait énormément changé et lui aussi.

Publié par L'abécédaire de mes ancêtres

Bonjour, D'origine française, je vis au Canada depuis plus de 40 ans. Généalogiste amateure, j'essaye de retracer la vie de mes ancêtres. Grâce à l'aide inestimable de parents mais aussi à des photos d'époque et à des articles de journaux ainsi qu'à des documents d'état civil et d'archives, je m'efforce de remonter le temps. Les articles réunis dans ce blogue sont principalement destinés à ma famille mais aussi à toute personne intéressée à l'histoire du quotidien et de gens ordinaires ayant mené une vie supposément sans histoire. Dominique G.

5 commentaires sur « X comme Stalag XI A 2/2 »

  1. Bonjour
    Suite a une recherche sur internet, j’ai été très très intéressée par votre article sur le StalagXIA Mon père a été prisonnier pendant 5 ans dans ce camp. Je suis aussi à la recherche d’informations sur cette période pour écrire un bout de sa vie pour ma famille et mes petits enfants.
    Vous devez écrire un prochain article sur la vîe et la libération de ce camp
    Je serais très intéressée d’y avoir accès
    Je vous laisse mon mailchareyre.chantal@orange.fr

    Merci d’avance
    Cordialement

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