
Ces temps-ci, Il est fréquemment question dans les cercles généalogiques de l’état-civil reconstitué et récemment enrichi par les Archives de Paris grâce à la mise en ligne de nouveaux documents.

Il faut dire que de pouvoir passer d’une petite fiche manuscrite à un dossier plus ou moins complet ne peut qu’éveiller la curiosité de tout généalogiste professionnel ou amateur. Dans mon cas, j’ai pu rechercher et analyser une dizaine de dossiers tant du côté des naissances que des mariages ce qui m’a permis de corriger plusieurs erreurs et d’ajouter de nouvelles données. Les décès viendront plus tard car les dossiers ne sont pas encore en ligne. Les recherches entreprises plein d’espoir et de fébrilité se révèlent parfois riches en détails encore inconnus. Malheureusement, d’autres ne nous apprennent rien de nouveau.

Cette reconstitution de l’état civil parisien, ordonnée en 1872, s’imposait après la destruction par les flammes de l’Hôtel de Ville de Paris en 1871 qui, durant la Commune de Paris, avait entraîné la perte de milliers de documents antérieurs à 1860. La reconstitution a nécessité la contribution de nombreux intervenants incluant les familles, les diocèses et églises, les préfectures et municipalités et dans certains cas l’armée. C’est ainsi qu’en consultant ces nouvelles ressources, j’ai découvert plusieurs documents dont j’ignorais l’existence comme le Certificat de libération.
Celui qui m’intéresse faisait probablement partie des documents soumis par la famille en septembre 1874 comme preuve en appui à leur demande de reconstitution d’un acte de naissance. Remis, en 1852, à mon arrière-arrière-grand-père, Louis Frederic Guillaumant, le certificat se lit comme suit (les sections en gras et en italique correspondent aux informations manuscrites) :
Préfecture de la Seine RECRUTEMENT – 8e arrondissement de Paris – No 447 de Tirage Certificat de Libération Classe de 1851
LE SECRETAIRE GENERAL DE LA PREFECTURE DU DEPARTEMENT DE LA SEINE certifie que le Sieur Guillaumant Louis Frederic né à Paris Département de la Seine le 15 août 1831, fils de Charles Joseph Constant et de Gamard, Marie Félicité ayant la taille d’un mètre 635 millimètres, et exerçant la profession de fabricant de vernis Est inscrit au Tableau de recensement de la classe de 1851 du 8e arrondissement et que le numéro 447 qui lui est échu au tirage n’a pas été compris dans le contingent. Qu’en conséquence et aux termes de la loi du 21 Mars 1832, il est définitivement libéré du service militaire. Fait à Paris le 7 juillet 1852


Comme je n’avais jamais vu de certificat de libération et qu’ aucun motif ne justifiait cette libération à part une référence à la loi, j’ai voulu en savoir plus sur celle-ci. Il s’agit de la loi sur le Recrutement de l’Armée dite « Loi Soult » en l’honneur de Jean-de-Dieu Soult qui était alors ministre de la Guerre sous Louis-Philippe (dernier roi des Français qui régna de 1830 à 1848). Militaire de carrière, Soult s’était illustré durant les guerres de la révolution à la fin du 17e siècle et les campagnes napoléoniennes du début du 18e siècle. Il a réussi l’exploit de traverser avec succès six régimes politiques incluant deux révolutions.
L’objectif de la loi était, entre autres, d’accroitre les effectifs de l’armée française et venait compléter plusieurs autres lois touchant la réorganisation de l’armée.
« Louis-Philippe, …, le charge de réorganiser sans tarder l’armée de ligne. Soult rédige un rapport au roi, présenté… le 20 février 1831, dans lequel il fait la critique de la loi … de 1818 sur le recrutement … Il propose les grands axes d’une politique militaire visant à accroître les effectifs de l’armée, à résorber le surencadrement et à assurer l’approvisionnement en armes et en munitions. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-de-Dieu_Soult




La loi Soult, votée le 21 mars 1832, confirme que le recrutement se fait par des appels et des engagements volontaires et encadre ces deux modes de recrutement à commencer par le processus d’établissement des listes de recensement des jeunes gens ayant 20 ans révolu dans chaque canton. Dans le cadre de la loi, chaque canton était supposé fournir un certain nombre d’appelés désignés par tirage au sort. Le jour du tirage, après avoir compté publiquement tous les numéros déposés dans l’urne et s’être assuré qu’il y en avait autant que de jeunes hommes présents, ceux-ci étaient appelés dans l’ordre du tableau préalablement établi et tiraient un numéro. La liste par numéro est établie au fur et à mesure du tirage et fournit l’occasion de mentionner au besoin les motifs d’exemption qui pourraient s’appliquer et qui seront examinés ultérieurement par un conseil de révision. Ces motifs peuvent être énoncés par les participants au tirage ou par leur famille.


Parmi les motifs d’exemption on retrouve la taille des appelés qui exclus d’office ceux qui mesurent moins d’un mètre cinquante-six et les personnes qui ont des infirmités les empêchant de servir ; l’ainé d’orphelins de père et de mère ; les fils uniques ou les ainés de fils et les petit-fils uniques ou ainés, ainsi que ceux dont le frère est déjà dans l’armée ou dont le frère a été tué ou gravement blessé en service, etc.



D’autre part, six catégories de jeunes gens sont considérées comme ayant satisfait à l’appel et sont déduits du contingent à former. Il s’agit d’abord de ceux qui se sont déjà engagés volontairement et de ceux qui travaillent comme charpentier de navire, perceurs, voiliers ou calfats (ouvriers qui construisent des navires) ; s’ajoutent également les élèves de l’école polytechnique à condition de passer un temps égal dans les services publics ainsi que les membres de l’instruction publique qui se vouent à une carrière dans l’enseignement. On compte aussi les élèves des grands séminaires qui se destinent à une vie ecclésiastique et enfin ceux qui ont remporté de grands prix universitaires.

Le conseil de révision de l’armée examine tous les cas soumis et a le dernier mot sur les exemptions, déductions, substitutions et remplacements.
Enfin ceux qui n’ont pas été retenu et dont le nom ne figure pas sur la liste finale sont définitivement libérés. Une déclaration est préparée et affichée dans chaque commune indiquant le dernier numéro compris dans le contingent.

Une fois la liste finale de chaque canton établie, les noms inscrits sont proclamés. Ultérieurement, ils seront répartis entre les différents corps d’armée. Cependant, selon l’ordre des numéros tirés, les appelés sont divisées en deux classes. Les appelés de première classe sont mis en activité rapidement et doivent rejoindre leur régiment tandis que ceux de la deuxième classe sont renvoyés dans leur foyer en attendant d’être appelés sur ordre du roi.
La durée du service militaire est établie à sept ans et est calculée à partir du premier jour de l’année où ils sont appelés.
Comme aucune des exemptions figurant à la loi ne s’applique à mon ancêtre, j’en conclus que si Louis Frédéric a évité le service militaire et a été libéré de son obligation de servir, c’est essentiellement parce qu’il a eu la chance de tirer un bon numéro. Moins d’un an plus tard, alors qu’il a seulement 21 ans, il se mariera avec Jeanne Claude Boulet le 16 avril 1853 et reprendra l’entreprise familiale, trois mois plus tard, au décès de son père Constant Guillaumant en juillet 1853.
Detailed research. Lots of information!
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