
En décembre 2019, je publiais un de mes premiers articles sur ma famille intitulé Entreprise Guillaumant père et fils. À l’époque, je pensais mon article assez complet même si j’y déplorais les lacunes de l’état civil de Paris avant 1860. Cependant, plusieurs informations glanées au cours de la dernière année pour la rédaction d’autres articles ainsi que la mise en ligne récente des documents de la Commission de Reconstitution des actes de l’état civil de Paris, suite aux incendies de mai 1871, m’incitent à revoir complètement mon article et même à le scinder en deux. Revoici donc, l’histoire enrichie et corrigée de l’aventure entrepreneuriale de mes ancêtres directs de 5e et 4e générations.
Constant Guillaumant, né Charles Joseph Constant à Meung-sur-Loire dans le Loiret, a vécu de 1797 à 1853. Il va éventuellement s’établir à Paris vers 1825 ou 26 alors que les opportunités à Meung commencent à se raréfier. Son père, Jean Charles Barthélemy était scieur de long et marchand de bois. Ce sera également sa profession au Faubourg St-Antoine, qui depuis des siècles est le haut lieu des artisans du bois: « Situé à l’Est de Paris, le quartier du faubourg Saint-Antoine fut longtemps réputé pour ses métiers d’art, notamment celui des ébénistes du XVIIIe siècle et des grandes maisons d’ébénisterie du XIXe siècle… On y trouve également des sculpteurs, des doreurs, des vernisseurs comme les famille Langlois ou Martin, les fournisseurs de matériel et les boutiques des marchands de meubles qui font travailler tout ce monde. » https://www.meubliz.com/artisans_du_faubourg_saint_antoine/

Venant des forêts du Morvan, le bois arrive par billots flottants ou trains de bois au quai de la Râpée où des dizaines de scieurs de long venus des quatre coins de la France, le récupèrent et le débitent pour en faire des poutres, des planches ou du bois de chauffage.
Constant est marié à Marie Félicité Gamard, native de Mont St-Sulpice dans l’Yonne, avec qui il a eu neuf enfants : sept fils incluant son ainé Charles Félix Constant (1828), Dominique Joseph (1830), mon arrière-arrière-grand-père Louis Frédéric (1831), Charles Joseph Désiré (1834), Charles Pierre Adam (1837), Albin Joseph Nicolas (1839) et le benjamin Jean Baptiste Louis (1840). Leurs deux filles sont Joséphine Désirée Élisa (1835) et Aimée Claudine (1838). Sur chacun des actes de naissance, il est dit scieur de long. La famille, qui s’agrandit rapidement, demeure successivement 7 rue de Reuilly (1830 à 1837) puis au 120 rue du Faubourg St-Antoine (1839).

Cependant, au fil des ans, la technique du flottage du bois va tranquillement disparaitre alors que le charbon va remplacer le bois de chauffage et que le réaménagement de la Seine va favoriser le transport par bateau. Le travail est de plus en plus difficile à trouver, le métier est dur et à cinquante ans passés, Constant commence à se faire vieux. Il est temps pour lui de penser à se reconvertir surtout que ses fils ne pourront pas faire comme lui et reprendre le métier de leur père.

Annuaire général du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration 1853, p 972
Au milieu du 19e siècle et probablement en 1852, soit à l’âge de 54 ou 55 ans, Constant a racheté le commerce de la maison Dumont Siroy pour créer Guillaumant père et fils. Établie au 33, rue du Faubourg-St-Antoine, dans le 11e arrondissement de Paris, la maison est spécialisée en menuiserie et couleur ce qui réfère à la teinture et au vernissage du bois.

Annuaire général du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration 1853, p 852.
Selon les annuaires du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration de 1853, la boutique abritait deux entreprises offrant divers services. D’une part, l’entreprise Guillaumant Charles-Constant, gérée par le fils aîné, âgé de 25 ans, est une papeterie qui offre des services de reliure, d’encadrement et de nettoyage d’oeuvres d’art. Il est à noter qu’en 1901, l’acte de décès de Charles Félix Constant, alors âgé de soixante-treize ans, indique qu’il est toujours papetier.

D’autre part, Guillaumant Constant et fils fabrique et vend des vernis pour bois et annonce des services de menuiserie tel que mentionné dans l’Annuaire du commerce, de Paris, des départements de la France et de l’étranger de 1854, page 585 : “33 faub.-St-Antoine – Guillaumant (Constant) et fils, menuisiers”

Cependant, à voir l’étroitesse des lieux, on se demande comment deux commerces pouvaient occuper le magasin du Faubourg-St-Antoine à moins qu’il y ait eu une autre entrée dans la cour intérieure, comme cela se faisait couramment.

« Jusqu’à une période récente, les ateliers venaient ponctuer le paysage et afficher plus nettement la vocation du quartier. Mais c’est derrière les façades au coeur des îlots que se trouve en fait l’essentiel de l’activité et de la diversité du faubourg. Une fois franchi le porche du bâtiment sur rue on accède en effet à la cour ou à un enchaînement de cours, ou encore aux passages qui se développent en profondeur dans les parcelles. » p. 7 de Faubourg-Saint-Antoine. Premier diagnostic et orientations d’études.- Paris, APUR, mars 1993.

Malheureusement, Constant père meurt dès l’année suivante un mois avant de pouvoir fêter ses 56 ans. Alors que l’aîné Charles Felix Constant va probablement continuer à s’occuper de la papeterie, c’est son fils Frédéric qui, à l’âge de 22 ans, lui succède à la tête de l’entreprise de vernissage et de menuiserie. À l’époque, il s’est marié tout juste trois mois plus tôt, le 14 avril 1853, avec Jeanne Claude Boulet. Son fils aîné Hippolyte Louis Frédéric, mon aïeul, est né le 27 avril 1854, soit exactement neuf mois après la mort de son grand-père, le 27 juillet 1853.

De plus, l’entreprise Guillaumant a ouvert un second magasin alors qu’en 1855, un deuxième emplacement est annoncé au 8, rue de Charonne. En fait, il s’agit probablement de la papeterie qui a déménagé à environ 800 mètres de l’entreprise familiale. Charles Felix Constant, le fils ainé, vit dans l’immeuble au dessus depuis environ deux ans et c’est là que sa fille ainée est née, en mars 1853. J’ignore si le déménagement s’est fait après ou avant la mort de Constant père.
À part les deux fils ainés qui sont déjà des adultes, les autres membres de la fratrie sont encore bien jeunes à la mort de leur père : Charles Joseph Désiré a 19 ans, Joséphine Désirée Elisa en a 17, Charles Pierre Adam 16, Aimée Claudine 15, Albin Joseph Nicolas 14 et le benjamin Jean Baptiste Louis a seulement 12 ans. Sa veuve, qui a 53 ans et plusieurs enfants à charge, travaille comme couturière. Marie Félicité va éventuellement se remarier avec un certain Joseph Louis Beaux sur lequel je n’ai encore trouvé aucune information. Mais, il est mentionné comme son époux en 1870 sur son acte de décès; Marie Félicité est décédée à l’âge de 70 ans.
On peut imaginer que Constant pensait assurer l’avenir de sa famille et intégrer tranquillement ses fils dans l’entreprise. Ils y travaillaient probablement tous déjà, même les plus jeunes. Le rêve aura été de courte durée. On perd ainsi la trace de l’entreprise Guillaumant et fils dès 1857.
Quand et pourquoi ces entreprises ont-elles fermé leurs portes ou changé de vocation ? Comment cela s’est-il fait ? Je ne l’ai pas encore découvert et il se peut qu’on ne le sache jamais car le registre de successions du gouvernement indique simplement que les héritiers ont été informés mais n’ont pas donné suite. Cependant, on peut supposer que la jeune entreprise avait des dettes et qu’il a fallu liquider les inventaires pour les payer.
Ce que je sais, par contre, c’est que la fratrie Guillaumant a continué à vivre dans le Faubourg-St-Antoine et à travailler dans le secteur du bois. Ce sera d’ailleurs le sujet d’un prochain article.
Running a business is tough! At least they tried
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Indeed. And they will try again. We will see that in a futur article.
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