
Anonyme -1789- Bibliothèque nationale de France- Wikimédia
Tout a commencé par le défi lancé de présenter un prêtre réfractaire. Comme Il n’y a pas de gens d’Église parmi les différentes branches de ma famille, je ne m’y suis pas beaucoup attardée. Mais en cherchant bien j’ai trouvé une religieuse soeur Angélique de St Xavier née Jeanne Catherine Sauvignier qui oeuvrait auprès des filles et femmes dans le besoin et dont je vous parlais récemment.
De fil en aiguille, cela m’a amené à m’intéresser à une autre branche de la famille Sauvignier et aux descendants de François Mathieu et Anne Élisabeth Sauvignier au sein desquels j’ai trouvé plusieurs curés et même, ô surprise, un ou deux prêtres réfractaires !
Anne Élisabeth (1696?-1780) était la tante de mon ancêtre direct de 7e génération Nicolas Sauvignier. Originaire d’une large famille aisée de la Lorraine, elle épousa François Mathieu (1678?-1751), qui au cours de sa carrière sera avocat à la cour, prévôt, gruyer, chef de police des cinq villes dans le comté de Mercy, en Lorraine. Le couple installé successivement à Xivry-Cincourt et à Preutin aura une dizaine d’enfants dont j’ai identifié trois filles et huit garçons dont deux sont morts en bas âge. Des neuf enfants ayant survécu, quatre ont choisi de se marier alors que trois autres ont préféré entrer dans les ordres. Il s’agit de Joachim Mathieu né vers 1717, de François Nicolas Mathieu né en mai 1737 à Preutin et de Charles François Joseph Mathieu né également à Preutin, en avril 1726.

Joachim Mathieu deviendra curé de Joppécourt une petite localité de Lorraine qui compte environ 300 et quelques âmes. Il mourra le 11 Floréal de l’an quatre de la république française ou plus simplement le 5 mai 1796 vers l’âge de soixante-dix-huit ans.

Son frère François Nicolas Mathieu sera quant à lui chanoine régulier à Anderny toujours en Lorraine. Comptant environ 450 habitants, Anderny est une communauté située à une dizaine de kilomètres de Joppécourt. François Nicolas décèdera à l’âge de soixante-dix ans, en novembre 1807.

Selon Paul Lesprand dans le tome 3 de son ouvrage Le clergé de la Moselle pendant la Révolution, les deux frères auraient pris charge de leur cure à un an d’écart soit en 1771 pour Joachim alors âgé de cinquante-quatre ans et en 1770 pour François Nicolas qui avait environ trente-trois ans. Comme, en général les curés étaient nommés en sortant de l’université au début de la vingtaine, l’un comme l’autre avaient probablement été responsables d’une autre paroisse avant de prendre charge de leur cure.

trouvé sur Geneanet
Bien qu’il ne soit pas mentionné dans l’étude de Paul Lesprand car mort avant la Révolution, un troisième frère Mathieu était curé de Morfontaine. Il s’agit de Charles François Joseph qui est décédé dans sa paroisse à l’âge de presque soixante ans, le premier avril 1786. Arrivé à Morfontaine à vingt-six ans, il y aura exercé pendant tout son sacerdoce, soit trente-trois ans à prendre soin d’environ trois cent quatre-vingts paroissiens.

à Morfontaine Wikipédia
Leurs neveux
Trois des fils de leur frère Gabriel Charles Mathieu (1729-1788) et de son épouse Marie Françoise Aubrion (1727-1801) ont également choisi les ordres : l’ainé Nicolas Gabriel né en 1752 à Sancy, Jean François né en 1755 et Joachim Pierre né en 1757, tous deux à Preutin.
Commençons par Joachim Pierre qui est le filleul de l’autre Joachim Mathieu curé de Joppécourt. Il sera affecté à la paroisse de Cutry qui compte environ 300 habitants et est située à quelques kilomètres de Morfontaine et de Joppécourt. Paul Lesprand le déclare curé de Cutry depuis 1774 cependant, il s’agit d’une erreur. Né en 1757, en 1774 il n’a que seize ou dix-sept ans ce qui est bien trop jeune pour être assermenté et chargé d’ouailles. Son acte de décès en avril 1845 à Cutry, à l’âge vénérable de quatre-vingt-sept ans et dix mois ledit prêtre, ancien desservant des paroisses de Cutry et Chenières une petite localité à l’est de Cutry.


Il y a confusion avec son frère aîné Nicolas Gabriel sur lequel j’ai peu d’informations autres que celles glané sur les registres d’état civil et plus particulièrement celles portées à l’acte de décès de sa grand-mère. Ainsi, début juillet 1780, à l’occasion de la mort d’Anne Élisabeth Sauvignier, sont présents dans l’ordre Joachim Mathieu curé de Joppécourt, Charles François Joseph Mathieu, curé de Morfontaine, Gabriel Charles Mathieu avocat au parlement, prévôt du comté de Mercy et des cinq villes, résident audit Preutin, François Nicolas Mathieu curé d’Anderny, ses fils et Nicolas Gabriel Mathieu curé de Cutry, son petit-fils qui ont tous signé comme témoins.

Archives de Meurthe-et-Moselle

archives de Meurthe-et-Moselle

de janvier 1786 à aout 1792
avant le transfert des registres d’état civil de Cutry
Nicolas Gabriel Mathieu semble avoir été en charge de la paroisse de Cutry d’avril 1775 à juillet 1783 soit de l’âge de vingt-trois à trente et un ans, tandis que la signature de Joachim Pierre Mathieu ne commence à apparaitre qu’en janvier 1786 alors qu’il a vingt-neuf ans jusqu’en aout 1792 au moment du transfert des registres d’état civil aux élus municipaux. Bien que la tenue des registres n’ait plus été de son ressort, il a probablement continué à s’occuper de sa paroisse ainsi que de celle voisine de Chenières, mais on n’en connaît pas les dates.
Alors que les deux frères ne précisent pas leurs prénoms ni dans le texte des actes, ni dans leurs signatures, celles-ci sont assez différentes.
Le serment de fidélité
Bien sûr, suite au démantèlement de l’église catholique française et à la promulgation en août 1790 du décret de constitution civile du clergé, ils ont dû prêter serment de fidélité à la république.
« Le 7 janvier commencent les prestations de serment dans les provinces. Elles sont échelonnées tous les dimanches, de janvier et février 1791, à des dates différentes selon les diocèses . La quasi-totalité des évêques, sauf quatre, et la moitié des curés, refusent alors de prêter serment. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Constitution_civile_du_clerg%C3%A9
Ce ne fut pas une décision facile surtout que plusieurs de leurs confrères et même de leurs parents préférèrent l’exil. D’ailleurs, Paul Lesprand l’explique comme suit. Il est à noter que par « une famille de robins« , l’auteur veut dire des gens de robe, soit des avocats, des procureurs et des notaires, comme c’était le cas du père, et de plusieurs oncles et neveux des deux curés.

par Paul Lesprand p. 251 Gallica
« …Sortis d’une famille de robins, les deux frères Mathieu adhèrent à la constitution civile, bien que celui d’Anderny soit depuis longtemps en dispute avec ses paroissiens; celui de Joppécourt, qui avait eu un instant l’idée de retracter son serment, n’y donna pas suite… »
En ce qui concerne leurs neveux, la situation est moins claire. L’évêque de Metz ayant refusé de prêter serment, le diocèse de Metz fut plutôt lent à demander à ses membres de se plier aux nouvelles directives. Cependant, Lesprand indique que dès le 13 février 1791, le curé de Cutry a prêté serment « avec empressement« .

par Paul Lesprand p. 245 Gallica


Ses deux frères n’ont cependant pas montré le même enthousiasme. Jean François Mathieu qui était chanoine régulier avait fait sa profession de foi en 1776, à l’âge de vingt et un ans. Au moment de la Révolution, Il occupait une position de vicaire à Mance afin de seconder Claude Vyart, un chanoine régulier âgé qui souffrait d’infirmités. Toujours selon Paul Lesprand, Jean François profita de ses autorisations de circuler pour déserter son poste avant d’avoir à prêter serment.


par Paul Lesprand p. 177 Gallica
Quant à leur frère ainé, Nicolas Gabriel Mathieu, Paul Lesprand nous apprend qu’après avoir prêté serment avec restriction, celui-ci décida quelques semaines plus tard de retirer sa restriction par une lettre au district. Toujours ambivalent quant à sa position et à son avenir, il devait se rétracter définitivement en juin 1792. Faisant désormais partie des prêtres réfractaires, il a profité de la guerre avec les pays coalisés pour rester en poste jusqu’en novembre 1792 avant de visiter un autre Mathieu (probablement un parent), curé à Cosnes près de la frontière belge, avant de passer la frontière au début de 1793, puis de s’exiler en Amérique.


par Paul Lesprand p. 253 Gallica
En cette incroyable période révolutionnaire marquée par de profonds bouleversements et alors que leurs convictions étaient constamment remises en question, on peut imaginer que plusieurs d’entre eux ont dû se questionner longuement sur leur vocation et leurs choix.
Très intéressant, belle présentation. Avec tous ces curés dans tes ancêtres tu peux être en paix.
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Merci Lorraine, En fait ce ne sont pas mes ancêtres directs. Ceux-ci n’ont pas eu d’enfants. Ce sont ce qu’on appelle des collatéraux. Je ne sais pas si ça compte 🙂
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Bonjour Dominique, tu as toujours des renseignements intéressants dans tes articles.
J’ai un petit commentaire au sujet du message reçu par courriel pour m’aviser d’un nouvel article. Est-ce nécessaire de mettre le nouvel article dans le message? A la fin de l’article, j’ai vue le lien de ton site pour avoir accès à ce nouvel article. Je mettrais seulement le lien de ton site. Tu dois avoir une bonne raison de procéder comme tu le fais.
À suivre Lorraine
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J’aimerais beaucoup pouvoir faire ce que tu suggères. Normalement, ils donnent les premières lignes du texte avec la possibilité de lire la suite ce qui amène directement au site. Mais pour ça il faut un blog payant et comme j’utilise leur formule gratuite, je n’ai pas le choix. l’objectif est bien sur de nous inciter à prendre un abonnement payant.
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Not sure what happened in the French Catholic Church but sounds interesting
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It was the revolution and quite a difficult time for a lot of people who had privileges including the church. 🙂
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