O comme le Onze février

Dans toutes les familles, il y a des dates et des mois de prédiléction qui semblent, bien plus que d’autres, être l’occasion d’événements heureux ou malheureux. Ainsi, j’ai été frappée de constater que le onzième jour du mois et particulièrement le onze février ressort à plus d’une occasion dans la famille Vauchez. En voici donc le détail :

Onze février 1809

C’est en ce samedi onze février 1809 que naît au matin d’une froide journée d’hiver, Clotine Vauchez mon ancêtre directe de cinquième génération. Son père la déclare à la mairie le jour même. Je n’ai pas son baptistaire mais je suppose que sa marraine est aussi sa tante Clotine Vauchez.

Archives du Pas de Calais – État civil d’Epinoy
5 MIR 298/2

Naissance de Marie Clotine Joseph Chauché Vauchez L’an mil huit cent neuf le onze du mois de février a quatre heures dusoïr par devant nous Charles Louis Carpentier maire et officier de l’état civil de la commune d’Epinoÿ, canton de Marquion département du Pas de Calais est comparu Louis Chauché Vauchez agé de quarante ans cordier domicilié dans la commune d’Epinoÿ lesquels nous ont présenté un enfant du sexe féminin né le onze du mois de février a dix heures du matin de (?) du déclarant et de Marie Joseph Duchatelle son épouse et auquel il a déclaré vouloir donner le prénom de Marie Clotine Joseph Bauché Vauchez les dites déclaritions et présentations fait en présence de François Duchatelle agé de vingt six ans ouvrier domicilier dans la commune d’Epinoÿ oncle a lenfant du coté maternelle et Jean Pierre Richard agé de soixante quatre ans clercq domicilier dans la commune d’Epinoÿ voisin Le père et le premier témoin ont déclaré ne savoir signé et le deuxième témoin a signé avec nous le présent acte de naissance après quils leurs en a été fait lecture. Signé Richard et Carpentier

Epinoy et son clocher
Site de la mairie

Elle est la huitième et avant-dernière enfant du couple formé par Louis Joseph Vauchez et Marie Josèphe Duchatelle. En tout, je leur connais six filles et trois garçons dont deux sont d’ailleurs nés aussi un onzième jour du mois : Honoré né le onze juillet 1797 et Fidel Constant né le 11 mai 1815.

Ils demeurent à Épinoy dans le Pas-de-Calais, une petite commune située à vingt kilomètres de Douai. Le père est cordier comme tous les hommes de la famille et ne sait pas signer et probablement ni lire, ni écrire.

Chemins sprirtuels –
Basilique Saint Martin

Même si le nom apparaît deux fois dans la famille, je n’ai pas trouvé de sainte Clotine à laquelle la rattacher. Par contre, mis à part sa déclaration de naissance, tout au long de sa vie Clotine semble avoir été appelée Clotilde. Il s’agit là d’un très vieux nom français alors que cette sainte, originaire des bords de la Baltique, était la fille d’un roi burgonde. Elle était l’épouse du sanguinaire Clovis, roi des Francs qu’elle parvint à convertir au catholicisme. Devenue veuve, elle s’est retirée au couvent de Saint-Martin à Tours.

Onze février 1832

En ce samedi après-midi, Clotine dite Clotilde se marie. C’est le jour de ses vingt-trois ans et elle va s’unir à Pierre Joseph dit Jean Baptiste Griffard, de trois ans son cadet.

Mariage campagnard,
tout le monde a mis son plus bel habit

La promesse de mariage a été faite l’année précédente car les bans datent du premier et deuxième dimanches de janvier. De part et d’autre, la famille est présente et les parents sont consentants. Tout le monde est sur son trente-et-un pour assister à la noce.

Mariage d’amour ? Peut-être ! Mariage obligé ? Sans doute, car l’un n’empêche pas l’autre.

Quatre mois plus tard, Clotilde va mettre au monde le premier des enfants Griffard : Armance née le 9 juin 1832. Neuf autres suivront sur une période de vingt-quatre ans soit de 1832 à 1856. À la naissance du dernier, un garçon mort-né, elle a quarante-sept ans.

Famille de cordiers

Il faut dire que si Clotilde a peut-être choisi un beau garçon, ce n’était surement pas le plus riche. Toute sa vie, elle a vécu dans le besoin tant avec son père qu’avec son mari. Car les temps sont durs pour le pauvre monde. Les cordiers sont nombreux à Épinoy, la concurrence féroce, et ils gagnent une vie de misère.

Comme si ce n’était pas suffisant, voilà que le 15 mars 1832, le choléra-morbus arrive à Calais en provenance d’Angleterre.

Le virus qui se propage par les rats et l’eau contaminée circule quelques jours plus tard à Paris où il se répand comme une trainée de poudre malgré les mesures sanitaires. Les gens cherchent à fuir et à retourner dans leur province natale. Avec eux, ils emmènent le mal qui continue à se répandre.

Onze février 1833

Depuis 1832, Épinoy qui n’est pas épargné, compte ses morts car l’épidémie de choléra se propage à travers tout le pays. Elle va durer plusieurs années et fera encore des ravages dans les campagnes françaises en 1834.

C’est ainsi qu’après une vie de misère, Louis Joseph Vauchez, le père de Clotilde meurt le lundi 11 février 1833 à environ soixante-cinq ans. Sa femme, Marie Josèphe Duchatelle, lui survivra encore une dizaine d’années alors qu’elle décède à soixante-quinze ans.

Archives du Pas de Calais – État civil d’Epinoy
5 MIR 298/3

Décès de Louis Vauchez Soixante cinq ans marié L’an mil huit cent trente trois le onzième jour du mois de février a deux heures du soir en la mairie et pardevant nous Pierre Antoine Cattiaux maire et officier de l’état civil de la commune d’Epinoÿ Canton de Marquoin arrondissement d’Arras département du Pas de Calais, ont comparu Benoit Vauchez agé de soixante-huit ans fabriquant de corde domicilié dans la commune d’Epinoÿ et Honoré Vauchez agé de trente-quatre ans fabriquant de corde domicilié dans la commune d’Epinoÿ. Lesquels nous ont déclaré que Louis Vauchez agé de soixante-cinq ans fabriquant de corde domicilié dans la commune d’Epinoÿ marié à Marie Joseph Duchatelle agée de cinquante neuf ans ménagère domiciliée dans la commune d’Epinoÿ né en la ville de Douai fils de feu Joseph manoeuvrier et de feu Catherine D’Auvergne ménagère demeurant en la ville de Douai est décédé à Epinoÿ en sa demeure le onzième jour du mois de février à midi précise. Ladite déclaration faite par les sieurs Benoit Vauchez et Honoré Vauchez ci-dessus dénommés. Le premier frère et le second fils du défunt qui ont déclaré ne savoir signer le présent acte, après qu’il leur en eut été donné lecture. Signé Cattiaux

Clotilde et Jean Baptiste

Quant à Clotilde, elle perdra son mari trente ans plus tard, soit le 26 juillet 1863. Il n’avait que cinquante et un ans. Avec sa mort, la famille va tomber dans l’indigence. Les enfants, surtout les plus grands, ont appris à se débrouiller et vont quitter le foyer très tôt. C’est le cas d’Ermance qui parcourt les routes de France comme vendeuse de cordes et de sa soeur Joséphine. Née le jour de Noël 1845, celle-ci va, à vingt ans, rencontrer mon ancêtre Joseph Miodet et ne plus jamais le quitter.

Epinoy a été complètement détruit et reconstruit durant les années 1920

Épinoy

Pour ce qui est d’Épinoy, je l’imagine comme une bourgade principalement constituée de petites maisons surpeuplées. Cependant, il n’en reste presque aucun vestige car le village fut un des premiers envahit durant la Première Guerre mondiale. Il a été presque entièrement détruit et fut reconstruit durant les années 1920. Quant aux familles Duchatelle, Vauchez, Griffard et autres, j’ignore s’ils sont revenus au village et si certains de leurs descendants y vivent encore.

Sources :

Publié par L'abécédaire de mes ancêtres

Bonjour, D'origine française, je vis au Canada depuis plus de 40 ans. Généalogiste amateure, j'essaye de retracer la vie de mes ancêtres. Grâce à l'aide inestimable de parents mais aussi à des photos d'époque et à des articles de journaux ainsi qu'à des documents d'état civil et d'archives, je m'efforce de remonter le temps. Les articles réunis dans ce blogue sont principalement destinés à ma famille mais aussi à toute personne intéressée à l'histoire du quotidien et de gens ordinaires ayant mené une vie supposément sans histoire. Dominique G.

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