B comme Blanchisserie Bouillot

Photo de famille colorisée grâce à MyHeritage

Cela fait longtemps que je veux parler de la famille Bouillot car ce sont mes cousins germains, mais aussi mes cousins les plus proches de mon coeur. Ceux avec lesquels je me sens vraiment en famille.

Le point rouge indique où la famille vivait sur la rue du Marché
Plan officiel de la ville de Neuilly-sur-Seine. 1909.
Archives des Hauts de Seine

Tout a commencé avec le mariage de ma tante Gilberte avec Émile Claude Bouillot le onze juillet 1931 à la mairie du 15e arrondissement de Paris. Émile Claude est le fils d’Émile Bouillot et d’Anaïs Dardare. Il travaille comme comptable mais il a grandi dans la blanchisserie de ses parents sur la rue du Marché, à Neuilly-sur-Seine. Leur logement était situé en arrière de la blanchisserie : maison Bouillot tel qu’indiqué au-dessus de la porte du commerce.

Ancienne carte postale de la place et de la rue du marché, un jour achalandé – Archives de Neuilly-sur-Seine

La rue du Marché, de nos jours rue Madeleine Michelis, fait la jonction entre la place du Marché et l’avenue du Roule. C’est une rue commerçante particulièrement achalandée les jours où les marchands ont leurs étals.

Les Dardare

Au début, c’était les Daredare qui étaient dans la blanchisserie. Ainsi à son mariage en février 1896, Anaïs est dite blanchisseuse, et sa mère Marie Anna ou Anne Hoffrath repasseuse.

Acte de mariage 1896 – Neullly sur Seine – Archives des Hauts de Seine

Originaire de Wintzenhein, un petit village près de Colmar, Marie Anna avait commencé à faire des lessives à son domicile et sa fille Anaïs avait suivi ses traces avant d’ouvrir une boutique probablement avec l’aide de sa mère et de son mari. Si celui-ci se dit employé à son mariage en 1896 et que plusieurs documents le déclarent employé de commerce ou cuisinier, il se dit blanchisseur en novembre 1906, à la mort de son père.

Sur la déclaration de Émile Bouillot âgé de trente six ans blanchisseur, demeurant à Neuilly sur Seine 25 rue du Marché, fils du défunt.

À partir des recensements, j’ai pu retracer la famille Dardare au 25 rue du Marché dès 1881. Au fil des ans, Jules Eugène, le mari de Marie Anna y est dit marchand forain et homme de peine.

Puis en 1891, il se déclare blanchisseur alors que sa femme et sa fille de dix-huit ans sont repasseuses. Cependant les actes d’état civil racontent une histoire un peu différente. Au mariage de sa fille, il déclare être employé sans plus de détails tandis qu’en 1906 au mariage de son fils Louis Charles, lui et sa femme se disent clairement blanchisseurs.

Registre de mariages 7M 159 – Archives de Paris

Les Bouillot

La famille Bouillot composée de Claude, de son épouse Jeanne Ménager, quant à elle, venait du Creusot où sont nés leurs quatre fils de 1869 à 1879. On peut retracer les Bouillot à Neuilly-sur-Seine à partir de 1889. C’est alors que sur la liste des électeurs, Claude Bouillot, cantonnier, est dit habiter rue Perronet avant de déménager avec sa famille au 25 rue du Marché.

Malheureusement, je n’ai pas encore trouvé trâce du commerce ni dans les annonces locales, ni dans les registres et annuaires des commerces. J’ignore donc quand le commerce de blanchisserie a ouvert ses portes ainsi que sa date de fermeture. Une recherche à partir de l’adresse est également restée infructueuse.

La photo témoin

Photo de famille de la blanchisserie Bouillot à Neuilly-sur-Seine
avec les propriétaires et les employés vers 1902-1903

Mes seuls documents sont donc quelques documents officiels espacés dans le temps et parfois contradictoires et surtout cette photo de famille. Devant le commerce familial douze personnes prennent la pose mais tous ne travaillent probablement pas à la blanchisserie. Ainsi, parmi les cinq personnes à droite de la photo on retrouve Claude Bouillot et Jeanne Ménager (les parents d’Émile), Jules Étienne Dardare et Marie Anne Hoffrath (les parents d’Anaïs) et un troisième homme probablement Émile Dardare ou Charles Louis Dardare les frères cadets d’Anaïs qui vivaient encore avec la famille à cette époque.

Vient ensuite un couple avec deux petits enfants aux cheveux bouclés en avant-plan. J’imagine que ce sont Anaïs et Émile avec leurs enfants, probablement leurs deux ainés René Jean né en 1897 et Louis Jules né en 1899, qui semblent âgés d’environ cinq et trois ans. Cela daterait la photo vers 1902 ou au printemps 1903. Enfin les trois jeunes femmes à la gauche habillées de façon presque identiques sont probablement des employées de la blanchisserie.

Enfin, la nappe en guise de rideau et le vêtement de dentelle mis en vitrine semblent indiquer l’étendue des services de la maison Bouillot. Cependant, il faut garder à l’esprit que ce sont surtout les classes ouvrières qui utilisent leurs services car les bourgeois ont leurs propres domestiques ou encore envoient leur linge à laver à l’extérieur de Paris où l’eau est plus propre que celle de la Seine.

« De temps immémorial, le blanchissage s’opérait dans la banlieu de Paris, et cette nouvelle industrie des lavoirs, faisant le blanchissage dans la ville même, à la portée de tous, allait devenir un concurent redoutable pour les blanchisseurs de la campagne. »

Le dur labeur des femmes

Métier éminemment féminin comme la plupart des métiers liés au textile : couturière, corsetière, giletière, lavandière, buandière, etc., à Paris les blanchisseuses se comptaient par milliers et atteignaient même le chiffre de cent mille. Et si à l’époque, le métier avait déjà beaucoup changé, il demeurait un dur labeur très physique alors que tout ou presque du coulage (trempage) à l’essorage se faisait à la main.

Ainsi, si à la fin du 19e siècle, les blanchisseuses se rendaient encore au lavoir pour traiter le linge qui leur était confié, les progrès techniques de l’ère industrielle allaient venir supporter une politique hygiéniste de santé publique entamée sous le baron Haussmann alors préfet de Paris. Les méthodes et les produits chimiques évoluent pour assurer un blanc devenu symbole de propreté et de pureté.

L’amidonnage et le séchage des cols et des manches – Archives de Neuilly-sur-Seine

« Au début du XX° siècle, durant l’ère industrielle, le métier évolua avec l’apparition de l’électricité, de l’eau du réseau, de la chaudière à vapeur, du tambour américain et de l’essoreuse. Le métier sera bousculé notamment par l’arrivée de nouvelles technologies et des premières machines à laver au début des années 1900.« 

Le repassage était une des dernières étapes et non la moindre. Elle aussi se faisait à la main jusqu’à l’arrivée des nettoyeurs à sec et de leurs « pressings ». Cette mécanisation et industrialisation de la profession ont d’ailleurs lentement sonné le glas du métier de blanchisseuse.

Rien ne me permet de déterminer la date exacte de la fermeture de la maison Bouillot mais Anaïs Dardare, épouse Bouillot, apparaît sur le recensement de 1931 comme blanchisseuse domiciliée au 25 rue du Marché. Anna Marie, la mère d’Anaïs, âgée de quatre-vingt ans vit avec eux. Similairement, mi-juillet de la même année, elle est déclarée blanchisseuse au mariage de son fils Émile Claude avec Gilberte Guillaumant. Doit-on supposer que la famille a encore la blanchisserie ?

Recensement de Neuilly-sur-Seine de 1931 p.394 – Archives des Hauts-de-Seine

En 1936, Émile, Anaïs et leurs enfants Louis et Marie Madeleine n’habitent plus à cette adresse. J’ignore encore où ils sont rendus. Seul leur fils cadet Émile Claude, son épouse Gilberte Guillaumant et leur fille ainée y sont alors recensés.

Concernant la blanchisserie, je me demande ce qui était préférable comme métier : porter les lourds ballots de linge au lavoir, manipuler les produits chimiques et avoir les mains dans l’eau soit bouillante soit glacée, hiver comme été ? Ou bien, être dans la chaleur suffocante et manier les pesants fers à repasser à la journée longue ?

Sources:

Publié par L'abécédaire de mes ancêtres

Bonjour, D'origine française, je vis au Canada depuis plus de 40 ans. Généalogiste amateure, j'essaye de retracer la vie de mes ancêtres. Grâce à l'aide inestimable de parents mais aussi à des photos d'époque et à des articles de journaux ainsi qu'à des documents d'état civil et d'archives, je m'efforce de remonter le temps. Les articles réunis dans ce blogue sont principalement destinés à ma famille mais aussi à toute personne intéressée à l'histoire du quotidien et de gens ordinaires ayant mené une vie supposément sans histoire. Dominique G.

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