Q comme le Quotidien des Parisiens sous le second Empire

Départ de Napoléon III pour la campagne d’Italie – Emmanuel Auguste Massé (1818-1881)

Ce mois-ci, Genea-tech nous convie à parler de nos ancêtres sous le second Empire. Cette période est riche en rebondissements tant au niveau de la politique intérieure qu’extérieure. Or, pour les Parisiens celle-ci est surtout marquée par les multiples projets du préfet de la Seine, le baron Haussmann qui, avec le soutien de Napoléon III, a transformé une ville moyenageuse en cité moderne.

Comme le décrivait le magazine Géo Histoire de novembre 2017 consacré entièrement à Napoléon III :

« 1852-1870 : ces deux décennies ont changé la France. Jamais le pays n’avait connu une telle effervescence. Scientifiques, architectes et artistes redoublent de créativité et d’énergie pour insuffler un essor formidable. De l’école obligatoire au droit de grève, de l’éclairage public à l’aspirine, tout ce qui annonce le XXe siècle apparaît sous Napoléon III. … A Paris, naissent des architectures nouvelles, la gare du Nord, l’Opéra, les Grands Boulevards… La ville est agrandie, assainie, embellie. Ses rues sont éclairées, le bois de Boulogne et celui de Vincennes sont réaménagés. De grandes banques naissent, le Crédit Lyonnais et la Société Générale. Le nombre de lignes de chemin de fer est multiplié par cinq. Une loi est votée en 1864 accordant le droit de grève aux ouvriers.« 

Mais, pour les gens ordinaires qu’est-ce que cela voulait dire au quotidien ?

Depuis la fin des années 1820, mes ancêtres vivaient d’abord sur l’ile de la Cité puis au faubourg Saint-Antoine. Un quartier ouvrier situé en dehors des anciennes limites de Paris qui comptait alors seulement douze arrondissements. Ils faisaient partie de ces milliers d’ouvriers qui avaient quitté leur province pour s’installer à Paris.

Depuis le début du siècle, la population de la capitale avait explosé pour frôler les deux millions d’habitants. Les classes laborieuses vivaient entassées dans des logements insalubres. Nombreux étaient ceux qui s’installaient dans les faubourgs. En 1860, la carte de Paris a donc été redessinée pour inclure les vingt arrondissements actuels et intégrer les faubourgs dans les nouvelles limites de la capitale.

En 1852, Charles Joseph Constant Guillaumant, mon ancêtre de 5e génération, a une boutique de couleurs soit de vernis et de teinture sur bois, rue du Faubourg Saint-Antoine. Il s’est lancé en affaires depuis peu et gère son entreprise avec de ses deux fils ainés dont mon arrière-arrière-grand-père Louis Frédéric Guillaumant (1831-1917). Personne ne sait encore que Constant va décéder l’année suivante en juillet 1853, alors que le choléra commence à se répandre. L’entreprise familiale n’y survivra pas longtemps. Louis Frédéric, qui va avoir vingt-deux ans, va devoir liquider l’entreprise et aller chercher du travail comme ébéniste tel qu’il le déclare en 1864 à la naissance de son deuxième fils.

Mandaté par Napoléon III de s’inspirer de Londres pour assainir la ville et y faciliter les déplacements, Haussmann va s’entourer d’architectes, d’ingénieurs, de paysagistes et d’entrepreneurs afin de l’aider à réaliser son immense projet. Les travaux vont durer dix-sept ans, soit de son entrée en poste en juillet 1853 à janvier 1870 date de son renvoi, alors que de nombreuses voix s’élèvent contre lui.

Les grands travaux

Durant cette période de travaux, on estime que des centaines de petites rues et passages ont été éliminés, plus de deux mille maisons expropriées et détruites et des milliers de personnes déplacées. Ce sont pour la plupart des ouvriers forcés de se relocaliser et qui viennent s’établir dans les anciens faubourgs ou encore plus loin.

La population du faubourg Saint-Antoine, qui s’étend sur les onzième et douzième arrondissements, s’accroît rapidement causant de la pression sur le logement et les autres services. Si la plupart des Guillaumant vont rester dans le quartier, dès 1866, Charles Félix Constant (1828-1901), le frère ainé de Louis Frédéric, va s’établir avec sa femme et ses cinq enfants dans le vingtième arrondissement voisin.

Les pavillons à structure métallique des Halles de Paris – Gallica

Les travaux touchent surtout les vieux quartiers du centre de Paris avec le théâtre Garnier pour l’Opéra de Paris ou les douze pavillons à structure métallique des Halles. Conçu par l’architecte Victor Baltard et initié avant l’arrivée d’Haussmann, ce projet ne sera complété qu’en 1872.

Le Canal Saint-Martin

Le canal Saint Martin – Vue de la voute souterraine – 1862

En 1861 s’amorçait le recouvrement du canal Saint-Martin qui gênait la circulation. La construction de voutes allait permettre la création du boulevard Richard-Lenoir afin de rejoindre le boulevard Voltaire récemment construit. La partie couverte fait près de deux kilomètres pour finir place de la Bastille. Le bruit et le dérangement étaient alors à quelques centaines de mètres de la rue du Faubourg Saint-Antoine et de la rue de Charonne où mes ancêtres demeuraient. Impossible d’y échapper. À titre de consolation, on a aussi établi le long de Richard-Lenoir une série de six parcs identiques dans ce secteur de plus en plus densifié.

Autres améliorations : l’eau potable et l’éclairage des rues

Après trois épidémies de choléra en 1832, 1848-49 et surtout 1853-54 qui entraina la mort d’environ 9000 Parisiens, la salubrité de l’eau était devenu un enjeu de santé publique important.

« Entre 1836 et 1866, Paris passe de 1 à 2 millions d’habitants. En 1860, Le Conseil de Paris vote un vaste programme d’alimentation en eau de Paris et d’évacuation des eaux usées. Ce projet est porté par Georges Eugène Haussmann, alors préfet de la Seine. L’ingénieur Eugène Belgrand est nommé directeur du service de l’eau. Il engage alors de grands travaux pour développer et moderniser le réseau d’eau de la capitale. Son objectif : offrir aux Parisiens une eau de grande qualité… Il est décidé de capter des sources loin de Paris, jusqu’à 150 km au-delà de la capitale. Les eaux seront acheminées jusqu’aux portes de Paris par deux aqueducs : la Dhuys (1863-1865) et la Vanne (1866-1874). » L’histoire de l’eau à Paris

Si les nouveaux édifices construits sur les grands boulevards selon les normes établies par Haussmann bénéficiaient de l’eau courante, il en allait autrement pour les édifices plus anciens des quartiers populaires. Leurs habitants devaient continuer à s’approvisionner aux fontaines publiques dont le nombre de 217 en 1832 avait presque doublé en 1872.

Il faut aussi noter l’agrandissement des égouts de Paris et l’éclairage public qui allaient nettement améliorer l’un la salubrité des rues et l’autre leur sécurité.

Autre bienfait, l’aménagement du bois de Boulogne à l’ouest et du bois de Vincennes à l’est qui sont devenus des lieux de promenade pour les Parisiens.

Le développement du chemin de fer

Gare de la place de la Bastille inaugurée en 1859 – Wikipédia

Le second Empire est aussi marqué par un développement spectaculaire du chemin de fer. Haussmann a le projet de connecter toutes ces lignes ce qui explique probablement la proximité des gares de l’Est et du Nord ainsi que des gares de Lyon, d’Austerlitz et de Bercy. Au mieux, il parviendra à établir entre elles de grands axes routiers. Il y avait aussi une quinzaine de petites gares dont une à proximité sur la place de la Bastille qui relie Vincennes à Paris.

Visites de Napoléon III

Détail du tableau Départ de Napoléon III pour la campagne d’Italie – Emmanuel Auguste Massé

La gare de la Bastille sera inaugurée en septembre 1859 en présence de Napoléon III. Mes ancêtres ont probablement assisté à la cérémonie qui avait lieu à moins de cinq cents mètres de leur domicile. En admettant qu’ils aient été curieux ou encore bonapartistes, ils l’ont probablement aussi vu passer lors de son départ pour la campagne d’Italie, le 10 mai 1859. Napoléon III a alors traversé, en calèche découverte, le faubourg Saint-Antoine où il a été acclamé par la foule. Voir peinture d’Emmanuel Auguste Massé (1818-1881) en début d’article.

Sources:

Publié par L'abécédaire de mes ancêtres

Bonjour, D'origine française, je vis au Canada depuis plus de 40 ans. Généalogiste amateure, j'essaye de retracer la vie de mes ancêtres. Grâce à l'aide inestimable de parents mais aussi à des photos d'époque et à des articles de journaux ainsi qu'à des documents d'état civil et d'archives, je m'efforce de remonter le temps. Les articles réunis dans ce blogue sont principalement destinés à ma famille mais aussi à toute personne intéressée à l'histoire du quotidien et de gens ordinaires ayant mené une vie supposément sans histoire. Dominique G.

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