Alors que nous sommes en pleine période estivale, j’ai décidé de consacrer mes prochains articles aux vacances et aux sports en me penchant sur les activités de loisirs de mes parents faute de pouvoir remonter beaucoup plus loin.
Comme, j’ai rarement, pour ne pas dire jamais, vu mes parents faire du sport, il me faut donc me référer aux quelques témoignages, documents et photos dont je dispose pour reconstituer leurs loisirs de jeunesse.
Parmi les photos, il y a celle-ci, où mon père, André Guillaumant, probablement âgé de quatorze ou quinze ans, pose avec un ballon sous le bras tandis que sa soeur Gilberte est installée dans une chaise longue. Avec sa chemise blanche, ses pantalons et sa cravate, il n’est guère habillé pour jouer au ballon. Était-il en train d’encourager son frère et sa soeur à venir jouer avec lui quelques minutes avant que l’on prenne cette photo ?
Un autre indice qui a attiré mon attention se trouvait sur le registre militaire de mon père qui mentionnait qu’il avait obtenu le Brevet Sportif Populaire.
Celui-ci a été créé en mars 1937 par le gouvernement du Front Populaire pour encourager l’activité physique de masse. L’initiative s’inscrivait en réaction au caractère compétitif et élitiste des compétitions sportives de l’époque et s’inspirait de programmes similaires établis en Russie et en Allemagne.
S’adressant tant aux garçons qu’aux filles, les activités concernaient essentiellement des épreuves d’athlétisme comme le lancer, le saut en hauteur, la course, le grimper à la corde et de natation avec la nage libre avec départ plongé.
L’objectif du Brevet Sportif Populaire n’était pas pour les participants de battre des records ou pour les organismes de dénicher les meilleurs athlètes mais plutôt de permettre au plus grand nombre de rencontrer des standards et niveaux de performances préétablis. Les garçons étaient divisés en quatre groupes d’âge allant de 12 à plus de 34 ans tandis que les filles étaient réparties en trois groupes de 12 à 34 ans insinuant probablement qu’après 34 ans les femmes avaient mieux à faire que participer à des activités sportives.
Les épreuves du Brevet pouvaient être organisées par quatre types d’institutions : les fédérations accréditées par le sous-secrétariat d’État aux Sports, aux Loisirs et à l’Éducation physique ; les conseils départementaux des sports et loisirs récemment créés ; les universités pour le secteur scolaire ; et enfin l’armée.
En 1937, mon père avait vingt-deux ans et était encore à l’armée, ce qui explique sans doute la mention à son dossier. Il a fait partie de la première cohorte de jeunes gens à obtenir le Brevet, soit le 16 août 1937. Tout juste cinq mois après l’instauration du programme.
Incorporé le 15 octobre 1936, mon père a été affecté au 507e régiment de chars quatre jours plus tard. Bien que sa fiche ne le précise pas, ce régiment était stationné à Metz. C’est probablement là qu’il a passé les épreuves du Brevet qui avaient lieu devant public.
Cette année-là, l’épreuve de natation était facultative si aucune installation sportive ne permettait de la tenir. Bien que la piscine de Metz ne fût inaugurée que fin septembre 1937, il était cependant possible d’y pratiquer la natation durant l’été dans les bassins appelés Metz-Plage et aménagés sur les bords de la Moselle depuis 1934.
Obtenir le Brevet Sportif Populaire de 3e échelon (pour les 18 à 34 ans) présentait plusieurs avantages pour les militaires incluant cinq jours de permission supplémentaires. Le programme prévoyait aussi que ceux qui l’auraient passé en tant que futurs candidats à la préparation militaire auraient encore plus d’avantages comme onze jours de permission et des facilités d’avancement. J’imagine que ces avantages figuraient parmi les motifs principaux pour participer aux épreuves, surtout quand on savait pouvoir les passer sans grande difficulté.
Selon le journal Le Monde : « En 1937, 400 000 candidats se prêtent déjà à l’exercice. Leur récompense : un diplôme et une médaille qui consacrent leurs aptitudes aux activités physiques et sportives. »
Ainsi, ceux et celles qui réussissaient les épreuves recevaient un insigne qu’ils pouvaient porter à la boutonnière. Bien que je ne l’ai jamais vu, j’imagine que mon père en a reçu un. Plus tard, ces insignes ont été abandonnés à cause de leurs coûts de production.
Brevet Sportif National
Malgré des débuts prometteurs, la vie du Brevet Sportif Populaire fut de courte durée. Durant l’occupation, le gouvernement de Vichy allait élaborer une nouvelle initiative qu’il allait rebaptiser le Brevet Sportif National, en mars 1941.
Dans sa nouvelle version, le Brevet ne s’adressait plus qu’aux jeunes de moins de vingt ans, pour les filles comme pour les garçons. De toute façon, il restait peu ou pas d’hommes valides de plus de vingt ans. Ceux qui n’avaient pas été fait prisonniers étaient réquisitionnés pour participer au Service du travail obligatoire (STO).
Basé sur les mêmes disciplines sportives que son prédécesseur, le Brevet Sportif National se voulait à caractère presque obligatoire. Ainsi, le nouveau brevet allait devenir un prérequis pour pouvoir participer aux compétitions sportives des différentes associations. Bien que cela n’ait jamais été instauré, on avait également pensé l’exiger pour l’obtention de tout poste officiel. Cependant, cet aspect obligatoire a eu tendance à rebuter la jeunesse à laquelle le brevet s’adressait.
Renaissance du Brevet Sportif Populaire
À la libération, les initiatives de Vichy ont été vite mise de côté et c’est le Brevet Sportif Populaire qui devait renaitre. Si son nom établit une claire filiation avec l’initiative du Front populaire, de 1946 à 1966 de nombreuses modifications ont été apportées au programme. Ainsi, pour susciter plus d’intérêt des associations sportives, on allait reprendre leurs catégories (minimes, cadets, juniors, séniors et vétérans) soit cinq échelons pour les hommes et quatre pour les femmes.
De plus, on a commencé à récompenser les athlètes les plus performants en leur délivrant un Brevet Sportif Supérieur. Puis on a organisé des challenges pour reconnaitre l’excellence sportive comme le challenge du président de la République ou celui du ministère de l’Éducation nationale pour la meilleure institution scolaire.
Vers 1966, un nouveau brevet avait également été créé ajoutant aux épreuves de base plusieurs épreuves d’endurance comme la marche, le cyclisme, l’aviron, le canoë-kayak et le ski.
Selon ma famille paternelle, mon père était considéré comme le sportif de la famille. En tant que pupille de la nation, il avait très tôt pu s’impliquer dans des associations et des activités pour la jeunesse. Cependant, la guerre était venue tout changer. En l’espace de six ans, le jeune homme actif, plein d’énergie et d’espoir qu’il était avait eu le temps de perdre ses illusions, sa forme physique et sa santé.
Peut-être que mon frère aurait un souvenir différent, mais les seules activités physiques ou de plein air que je me souviens l’avoir vu faire étaient de la marche et du camping avec possiblement quelques visites à la plage. De plus, toutes les activités auxquelles on nous a incité à participer comme la danse, le ski alpin, le ski de fond ou le tennis étaient, me semble-t-il, surtout à l’initiative de ma mère.
Sources :
- Le brevet sportif populaire de 1937 aux années 1970 : une continuité en questions, Cahiers d’histoire des ministères chargés de la jeunesse et des sports, décembre 2007
- Les trois naissances du brevet sportif populaire : 1937, 1941, 1946, par Marianne Lassus, Agrégée d’histoire, doctorante à l’université de Bordeaux 3.
- Document de présentation pour le séminaire du mardi 30 novembre 2004 au ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative
- https://www.republicain-lorrain.fr/culture-loisirs/2021/04/20/savez-vous-quelle-est-la-plus-ancienne-piscine-de-metz
- Il y a 80 ans le Front populaire inventait le sport…populaire, journal Le Monde du 28 avril 2016
Reminds me of the Participaction program that we had in Canada years ago. I do not remember my mother ever participating in sports (too busy working and looking after 4 children! on her own) but my father did fencing and skin diving. Always the adventurous
rebel!
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Yes Karren , I thought too of ParticipACTION but didn’t mention it as my French readers would have no idea what it was. Cheers.
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Article très intéressant, très belle recherche pour les illustrations. Bravo pour ta persévérance.
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Merci, pour le commentaire. Oui, le graphisme de l’époque était très stylisé et coloré.
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Article encore une fois très intéressant, merci.
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Merci beaucoup pour votre support et commentaire. Je vous souhaite un bel été. D
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