V comme le Vélo de la liberté

Ancienne carte postale pour les bicyclettes « Hirondelle » – Gallica

Pour la période estivale, Genea-Tech nous invite à aborder le Tour de France et son parcours. En France, le Tour c’est sacro-saint ! Je me souviens des incontournables reportages en direct à la télé comme à la radio.

Le Tour de France, c’est des équipes d’élite professionnelles avec d’énormes moyens. La majorité des Français y participe en tant que spectateurs sur place ou encore devant leur télévision.

Plusieurs tentatives d’établir un tour de France féminin ont connu des déboires, tous les supports et commandites allant à la version masculine. Mais, une nouvelle mouture d’une semaine allant en huit étapes de Paris aux Vosges, en est actuellement à sa deuxième édition.

Photo de ma mère en 1950
Collection personnelle

Pour revenir à mon thème des sports et loisirs dans ma famille, ce qui me parle beaucoup plus que le tour ou son parcours, c’est le vélo qui semble y avoir tenu une place de choix.

Pour dire cela, je me fie à cette photo de ma mère sur sa bicyclette, devant des vignes. De toute évidence, elle était partie en ballade avec un.e ou des ami.e.s. La photo a été prise quelques années après la guerre, alors qu’elle a dix-neuf ou vingt ans.

Quand on grandit en milieu rural sans moyens de transport collectifs locaux, avoir une bicyclette est une bénédiction car elle permet d’aller plus loin et plus vite qu’on ne le ferait à pied.

À l’époque, il n’était pas rare d’offrir un vélo à l’occasion de l’obtention d’un diplôme de fin d’études soit vers quatorze ou seize ans ou encore pour un anniversaire. On se l’offrait aussi souvent avec ses premiers salaires car cela représentait environ une cinquantaine d’heures, soit une à deux semaines de travail.

Démocratisation de la bicyclette

« La bicyclette est plus qu’un instrument de sport, c’est un bienfait social » Pierre Giffard, journal Le vélo du premier décembre 1892

Au 19e siècle, la bicyclette avait une aura de nouveauté et d’objet de luxe à même d’intéresser les bourgeois et les dandys. On parlait alors de vélocipédie. D’ailleurs l’image de liberté associée au vélo est partout dans la littérature du 19e siècle. Plusieurs inventeurs et pionniers du domaine de l’aviation ou de l’automobile comme Peugeot ou Michelin sont aussi constucteurs de bicyclettes ou encore d’accessoires de bicyclette.

L’évolution du vélo de la draisienne au début du 19e siècle au début du 20e siècle

Avec le temps, les améliorations techniques constantes, comme l’invention de la chambre à air ou du dérailleur, jumelées à une production de masse ont permis de rendre le vélo abordable pour un grand nombre de travailleurs tandis que les plus nantis ont commencé à se touner vers d’autres signes de richesse encore hors de portée des masses comme l’automobile et l’avion.

Les statistiques parlent d’elles-mêmes et si en 1890 on estime le parc de vélos à environ 50 000 et à 300 000 en 1895, les chiffres augmentent rapidement : « en France, suite à la loi du 13 avril 1898 instituant la plaque d’identité sur les vélos, on compte cette année-là 2,7 millions de bicyclettes immatriculées. »

Émancipation des femmes

“Elle (la bicyclette) a fait plus pour l’émancipation de la femme que n’importe quelle chose au monde. Je persiste et je me réjouis chaque fois que je vois une femme à vélo. Cela procure un sentiment de liberté et d’autonomie à une femme. – Susan B. Anthony”

Dès ses débuts, ou à tout le moins dès le milieu du 19e siècle, les femmes se sont intéressées au vélo et ce au grand dam de certains qui y voyaient un danger certain ! On a parlé d’atteintes au système reproducteur féminin ainsi que d’autres à la moralité.

VÉLOCIPÉDIE NOUVEAUX GENRES DE VÉLOCIPÈDES Bicyclette de dame. – Depuis notre dernier article sur la construction des cycles, il a surgi de nouveaux modèles qu’il est intéressant de passer en revue et qui obtiennent depuis quelque temps un très grand succès. En première ligne, nous devons parler de la bicyclette de dame. Il y a eu, depuis quelques années, une controverse assez sérieuse au sein même de la Faculté sur la question de savoir si la femme pouvait, sans danger, monter à vélocipède. Comme toujours, s’est renouvelée la vieille comédie du médecin Tant-pis et du médecin Tant-mieux. Suivant les uns, l’exercice modéré du vélocipède ne pouvait qu’être très favorable à un sexe qui en est trop souvent privé; d’autres voyaient, au contraire, dans cette nouvelle pratique, la source d’une infinité de maladies qui, se trouvant à l’état latent chez la femme, ne tarderaient pas à surgir. Malgré cette divergence d’opinions, certaines femmes n’ont pas hésité à faire du vélocipède et constatons tout de suite qu’elles ne s’en portent pas plus mal.

Cette demande féminine a d’ailleurs requis un certain nombre d’aménagements comme en témoigne l’article de la revue La nature qui se poursuit ainsi :

« La conséquence directe c’est qu’il a fallu créer un nouveau genre de machine qui réponde à l’habillement de la femme. Il est à noter en effet qu’à part quelques cas isolés du port de la culotte, il est vraisemblable que la vraie femme ne se séparera pas des vêtements que l’usage a consacrés. » … « La bicyclette de dame doit donc absolument avoir l’avant dégagé, et la roue arrière, ainsi que la chaîne enveloppées de telle sorte que les plis de la robe ne puissent pas s’y engager. Les pédales seront rapprochées du sol le plus possible afin que la cycliste puisse se mettre en selle commodément, et de pied ferme sans usage de marche-pied. Les poignées seront assez rapprochées du corps pour que la femme puisse se tenir en selle le buste à peu près droit : c’est une position recommandée par l’hygiène, que nous indiquons sans entrer dans les détails.

J’imagine que les détails auxquels on fait référence sont le corset qui devait empêcher les femmes de se pencher. Celui-ci va bientôt disparaitre et les femmes vont commencer à porter le « bloomer » sorte de pantalon bouffant originaire des États-Unis. Les lois étant souvent en retard sur les moeurs, le pantalon ne sera officiellement autorisé qu’en 1909.

Il est remarquable que tout juste une cinquantaine d’années, mais aussi les deux Grandes guerres, séparent cette description publiée en 1894 et la photo de ma mère en short sur son vélo. Si la description de la bicyclette pour femme reste d’actualité, de toute évidence, beaucoup de chemin a été parcouru par les femmes en termes d’autonomie et d’émancipation.

Exode de 1940 en France

On attribue souvent ce changement à l’après-guerre, mais les multiples photos de populations fuyant l’invasion allemande en 1940 nous montrent bien que le processus était déjà en marche. On y voit principalement des familles, certaines en tandem, mais aussi beaucoup de femmes seules à bicyclette transportant avec elles quelques effets personnels. Quand les familles peuvent partir en voiture ou en charrette tirée par des chevaux, les bicyclettes sont souvent placées sur le toit ou au-dessus des matelas qu’on emporte avec soi.

De mère en fille ou pas

Moi sur un tricycle à deux ans et demi avec
ma mère et mon frère – Collection personnelle

Voici une autre photo de moi à deux ans et demi sur un tricycle. Elle laisse augurer que, comme ma mère, j’allais pouvoir profiter de la liberté que procure un vélo. J’en ai bien reçu un en cadeau vers l’âge de dix ou douze ans. Je me souviens de ma grand-mère qui me tenait alors que j’apprenais à rester en équilibre, mais je ne l’ai guère utilisé. On habitait alors la région parisienne. Sans piste cyclable, je me sentais bien vulnérable à côté des camions et j’ai plus souvent opté pour l’autobus que pour le vélo.

Même si on dit que la bicyclette ça ne s’oublie pas, j’ai malheureusement oublié comment on fait et mes quelques essais récents ne m’ont pas fait gagner en aisance ou en confiance.

Photo de femmes à vélo à Saïgon, Vietnam, en 1955, parue dans le magazine Life

Mais, la tendance est mondiale et on peut retrouver des femmes à vélo dans le monde entier. Cela permet souvent aux jeunes filles de se rendre à l’école et d’avoir accès aux études. Sauf bien sûr dans les régimes totalitaires qui cherchent à restreindre la vie publique des femmes par tous les moyens possibles et imaginables.

Sources :

Publié par L'abécédaire de mes ancêtres

Bonjour, D'origine française, je vis au Canada depuis plus de 40 ans. Généalogiste amateure, j'essaye de retracer la vie de mes ancêtres. Grâce à l'aide inestimable de parents mais aussi à des photos d'époque et à des articles de journaux ainsi qu'à des documents d'état civil et d'archives, je m'efforce de remonter le temps. Les articles réunis dans ce blogue sont principalement destinés à ma famille mais aussi à toute personne intéressée à l'histoire du quotidien et de gens ordinaires ayant mené une vie supposément sans histoire. Dominique G.

Un avis sur « V comme le Vélo de la liberté »

  1. Article qui m’a beaucoup intéressé, cycliste je m’imagine fuir avec mon vélo si jamais un désastre m’obligeait à quitter la ville rapidement. L’habillement est de nos jours différents, mais il y a encore beaucoup de styles intéressants sur 2 roues.

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