

Maitre ferronnier d’art français, Paul Kiss est né en 1885 à Belafalva en Roumanie et a été formé en Europe centrale et de l’ouest avant de s’établir à Paris.

Il est reconnu et primé dès le milieu des années 1920 alors qu’il se fait remarquer par ses créations d’inspiration Art Nouveau et Art Déco avec l’arrivée du cubisme et de ses lignes épurées. Ainsi tel qu’en témoigne un article du critique George Denoinville sur l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs de 1925 et plus particulièrement sur Paul Kiss dont il célébrait la contribution au mobilier intérieur et extérieur grâce à des objets décoratifs comme des consoles, portes et cache-radiateurs. Selon lui, Paul Kiss…
…« Maître Ferronnier travaille sans trêve dans ce but… On remarquait entre toutes, cette porte de séparation intérieure d’une simplicité si riche de motifs et d’encadrements qui nous est apparue comme une véritable dentelle métallique. …Paul Kiss est, sans contredit, un de nos ferronniers d’Art les plus originaux… » Extraits de « Mobilier et Décoration, décembre 1925 », pp.21 à 27.
Dès la fin des années 20, on retrouve parmi ses employés, mon oncle Roger et ma tante Gilberte, Quelques années plus tard, mon père André Guillaumant y travaillera également comme en témoigne un des rares recensements nominatifs de Paris soit celui de 1931.

On y apprend que ma grand-mère Christine était toujours tapissière et que ses trois enfants maintenant jeunes adultes ou adolescent, travaillaient à quelques minutes de là, dans l’atelier de Paul Kiss, ferronnier d’art situé aux numéros 2 et 4 rue Léon-Delhomme. Leur grand-mère Aline vivait avec eux. C’est sans doute de cette période dont mon père me parlait quand il me disait qu’Aline s’occupait de la maison et s’assurait qu’il y avait quelque chose à manger quand ils rentraient tous du travail.

Gilberte, l’ainée des enfants, avait alors 27 ans et travaillait comme sténodactylo. Dans une aussi petite entreprise spécialisée dans la ferronnerie d’art, on peut supposer que ses taches étaient plus diversifiées que de simplement taper des lettres. Elle s’occupait probablement de la réception, de prendre les commandes et d’envoyer les factures. Il se peut même qu’elle ait eu à faire un peu de comptabilité. Roger, âgé de 24 ans était ferronnier ainsi qu’André mon père qui avait seulement 16 ans. On peut également supposer que vu son jeune âge, il y travaillait depuis peu et qu’il y était encore apprenti.
Mon père était bon élève et il aurait pu continuer ses études mais sa sœur qui avait un fiancé, allait se marier en juillet 1931 et quitter la maison. Quand l’occasion s’est présentée, il a préféré aller travailler afin d’aider à subvenir aux besoins de la famille. C’était le début des années 30 et l’impact du krach boursier américain de 1929 commençait à se manifester à travers le monde. En France, le marasme de la crise économique avec son lot de chômage, de misère et de déficit budgétaire allait durer huit ans soit de 1931 au commencement de la guerre en 1939.

Durant cette période la maison Kiss, à la recherche de nouveaux clients, multiplie les événements comme les visites et les conférences afin de faire face au marasme qui s’installe. De plus, Kiss s’implique dans plusieurs secteurs et produit également des serrures d’art comme en témoigne cette annonce publiée le 18 novembre 1932 dans le guide touristique « La semaine à Paris ».
La maison et ses artisans présentent aussi des œuvres dans différentes expositions. J’ai ainsi retrouvé la mention d’un prix ou d’une distinction qui aurait été attribué à mon oncle Roger à l’occasion de l’Exposition coloniale internationale de Paris en 1931, organisée sous l’égide du ministère des colonies. Mon père était très fier et admirait le savoir faire de son frère. Une admiration qui semble avoir été bien méritée.

La maison Kiss a survécu à la guerre mais durant les années 30, les choses ont bien changé pour la famille Guillaumant. En avril 1934, soit à l’âge de 27 ans, mon oncle Roger a épousé Hazel Tallman, une Américaine qui enseignait la littérature française au département de Français de l’université de Valparaiso. Elle était venue étudier pour un an probablement à la Sorbonne et vivait dans le 15e arrondissement. Ils se sont, sans doute, rencontrés dans le quartier car ils demeuraient à quelques portes l’un de l’autre, elle au 42 boulevard Garibaldi et lui au numéro 38. Quelques mois plus tard, ils embarquaient au Havre sur le Westernland en direction de New York où ils sont arrivés le 17 septembre 1934.


Lampe de style art Déco réalisée vers 1930 aux ateliers Kiss. Il se peut que mon oncle ou mon père y ait travaillé
Roger a vécu presque toute sa vie d’adulte aux États-Unis dans la petite ville universitaire de Valparaiso, Indiana. Il allait y trouver du travail et mettre à profit ce qu’il avait appris chez Kiss.
Après le départ de sa fille Gilberte qui s’était mariée en 1931 puis de son fils Roger en 1934, il ne restait plus à Christine que sa mère de plus de 70 ans et son fils cadet André alors âgé de 19 ans. Celui-ci allait rester chez Paul Kiss jusqu’à ce qu’il soit appelé en octobre 1936, pour faire son service militaire. Il n’en reviendra que deux ans plus tard, soit cinq mois seulement avant d’être rappelé en application du décret-loi du 20 mars 1939, bien il ait été classé soutien de famille par le Conseil départemental de la Seine en avril 1937.
Ainsi, après quelques années de relative prospérité alors que la famille peut compter sur le salaire de quatre personnes, celle-ci a dû abandonner l’appartement du boulevard Garibaldi, probablement rendu trop cher et trop grand, pour s’installer sur la rue de Vaugirard. Christine, qui doit encore s’occuper de sa mère, ne peut plus compter que sur sa pension de veuve de guerre et un peu d’aide de son fils cadet. Comme solution, elle va prendre à charge le maintien de l’immeuble où elle habite à titre de concierge. Même si cela lui rapporte bien peu, ça leur permet, entre autres, d’être logés.
Félicitations, ce blog contient beaucoup d’information et chaque histoire est intéressante.
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