X comme Stalag XI A 1/2

Carte postale de 1939 représentant le camp d’Altengrabow avec en avant plan les 7 baraques qui formeront le stalag XI A

Comme je le mentionne dans X comme DeuXième Guerre Mondiale, mon père André Guillaumant a été fait prisonnier par les Allemands à Vannes en Bretagne, au lendemain de la signature de l’armistice du 21 juin 1940 par le maréchal Pétain.  À l’époque, personne n’aurait pu imaginer les cinq longues années que plus d’un million huit cent mille soldats français allaient devoir endurer. Afin de réaffecter tant de prisonniers, les Allemands avaient établi des camps de transition souvent dans les casernes même des soldats.

« En fait, bon nombre de soldats furent capturés sur les lieux mêmes de leur cantonnement qui se transformeront ainsi en camps provisoires de prisonniers connus sous l’appellation officielle allemande de : Kriegsgefangenen-Auffanglager (camps de récupération de prisonniers de guerre). Armee-Kriegsgefangenensammelstellen (AGSST) (centres de rassemblement de prisonniers de guerre). Durchgangslager (DULAG) (camps de passage). Frontstammlager (FRONTSTALAG) (camps de rassemblement de prisonniers de guerre de tous grades). Les FRONTSTALAG constituaient, en quelque sorte, de véritables camps de transit pour les prisonniers avant leur acheminement vers les camps définitifs situés en Allemagne (STALAG, OFLAG). Ils étaient dotés d’une organisation très structurée et rassemblaient un personnel important. Ils dépendaient, comme les AGSST, de commandants régionaux. Les FRONTSTALAG reprirent très souvent les camps provisoires établis par les troupes de combat et leur activité fut, dans la plupart des cas, très limitée dans le temps. » http://www.apra.asso.fr/APRA/Articles/HS9-PrisonnierGuerreFrancais-1.pdf

Ainsi, le camp de Vannes va-t-il rester opérationnel jusqu’à fin octobre 1940 avant que les derniers soldats soient transférés à Chateaubriant jusqu’en décembre de la même année. Comme dans les autres Frontstalags, la vie y a probablement été misérable alors que les soldats sont déprimés et attendent de connaitre quel sera leur sort.

Vannes et Chateaubriant mon père a séjourné sont seulement deux des 70 camps utilisés par les Allemands
Exemple d’avis de capture remis à l’arrivée des prisonniers au frontstalag
Exemple de Carte du Centre national sur les prisonniers de guerre à Paris

Comme les familles s’inquiétaient pour leurs proches, on avait fourni aux soldats des avis de captures afin qu’ils puissent donner des nouvelles minimales à leur famille.  Dans d’autres cas, c’était le Centre national sur les prisonniers de guerre, situé à Paris et relevant du gouvernement, qui répondait aux demandes d’information des familles. Le nom de mon père n’apparaît sur aucune des listes de prisonniers fournies par les autorités allemandes que j’ai pu consulter mais probablement que sa famille a été informée de sa situation par l’un ou l’autre de ces moyens. http://www.apra.asso.fr/APRA/Articles/HS9-PrisonnierGuerreFrancais-1.pdf

Je ne connais pas la date exacte à laquelle mon père a été transféré, probablement par train, en Allemagne. Mais, sa fiche militaire mentionne le stalag XI A, à Altengrabow, à environ 90 km au sud-ouest de Berlin. Il était probablement en compagnie d’autres soldats provenant du dépôt de Vannes ou ayant séjourné dans le même frontstalag que lui car j’ai trouvé quelques témoignages à cet effet.

Carte des stalags XI A et B

Des rares fois où mon père nous a parlé de sa vie de prisonnier en Allemagne, j’en avais conclu qu’il avait fait plusieurs camps car parfois il parlait de la vie en baraquements et d’autres de travail à la ferme. À l’époque, sa famille, toujours à Paris, pensait qu’il travaillait dans les mines car il demandait qu’on lui envoie des sous-vêtements noirs.

En fait, le stalag XI A avait servi de camp de prisonniers pendant la Première Guerre mondiale avant de redevenir un camp d’entrainement militaire puis de nouveau un camp de prisonniers de guerre en 1940. Cet énorme camp, hébergeait des soldats de nombreuses nationalités. Il était composé de plusieurs commandos qui, en remplacement des ouvriers allemands partis au front, effectuaient différentes tâches comme le travail agricole dans les fermes avoisinantes, la récupération et le tri des armes, la construction de bâtiments, les mines et les carrières.

« En Septembre 1939, une partie du camp est devenue un camp de prisonnier de guerre et l’autre partie et restée occupée par l’armée allemande. Le camp logeait des prisonniers de guerre français, britanniques, belges, serbes, russes, italiens, américains, néerlandais, slovaques et polonais. La plupart des prisonniers de guerre ont été affectés à des ARBEITKOMMANDOS (les «camps de travail»). Le 1er Janvier 1945, 62 332 prisonniers de guerre y ont été enregistrés, dont 22 983 français. » http://ppasteprisonnierdeguerre.over-blog.com/article-stalag-xi-a-altengrabow-photos-de-groupe-de-prisonniers-100791456.html

Comme, je n’ai jamais vu mon père cultiver quoi que ce soit, j’en conclus qu’il était probablement affecté à l’entretien et à la réparation des machines agricoles ou encore d’équipement minier. Le travail à la ferme est surement ce qu’il a dû préférer. Non seulement, il avait accès à plus de nourriture mais aussi l’occasion de côtoyer les civils allemands.

« Si beaucoup de prisonniers sont employé dans des usines ou des mines, et une minorité dans d’autres secteurs d’activité comme l’énergie, le transport, l’artisanat ou le commerce, la majorité (58% d’après des chiffres de février 1944) des soldats prisonniers est affectée à des travaux agricoles. Ces derniers sont hébergés dans des villages allemands, dans un bâtiment affecté par la commune. Les contacts journaliers débouchent la plupart du temps, quand il s’agit d’une petite exploitation, sur une certaine proximité avec la famille qui accueille le prisonnier la journée. Celui-ci est même souvent convié à manger à la table familiale.
Cela ne doit pas cacher que dans l’ensemble, les conditions de travail sont pénibles, notamment pour les prisonniers qui doivent travailler dans des mines, alors que la plupart n’ont jamais mis les pieds dans un tel endroit. Mais les travaux forestiers, de terrassement, dans les carrières ou dans les usines ne sont pas de tout repos non plus. »
http://www.archives18.fr/arkotheque/client/ad_cher/_depot_arko/articles/2713/les-prisonniers-de-guerre-francais-de-la-seconde-guerre-mondiale_doc.pdf

Groupe de sous-officiers prisonniers au Satalag XI A Je pense reconnaître mon père (troisième à partir de la gauche, deuxième rangée) sur cette photo trouvée en ligne. http://ppasteprisonnierdeguerre.over-blog.com/article-stalag-xi-a-altengrabow-photos-de-groupe-de-prisonniers-100791456.html

J’ai très peu de photos de mon père et aucune datant de son séjour en Allemagne. Cependant, en faisant ma recherche sur le stalag XI A, je suis tombée sur cette photo de sous-officiers sur laquelle je pense reconnaître mon père. De toutes les photos que j’ai examinées, c’est la seule sur laquelle je pense le reconnaître. Bien sur, il est très émacié et a l’air plus vieux que son âge mais je sais que durant son internement au stalag, il est tombé très malade et en est revenu très affaibli. À son retour il était très maigre, avait des problèmes dentaires dus aux carences alimentaires et aux mines de sel. Il avait aussi perdu presque tous ses cheveux et fumait. Une habitude qu’il avait développée pour couper la faim et qu’il allait garder toute sa vie.

Mai 1943 : Scène d’épouillage dessinée au Lazaret du Stalag XI A par P. Paste http://ppasteprisonnierdeguerre.over-blog.com/article-stalag-xi-a-altengrabow-photos-de-groupe-de-prisonniers-100791456.html

Les témoignages mentionnent une importante épidémie de typhus qui, en 1942, se déclara dans la section Russe mais se propagea rapidement à travers tout le camp. Or le typhus est transmis par les rats porteurs de poux infestés principalement dans des endroits insalubres comme des prisons ou des camps. Je ne sais pas si mon père en a été victime ou s’il a été atteint d’une autre maladie.

Institut catholique de Paris : Dossier du père Durable, homme de confiance Stalag XIA

« Notre « homme de confiance », méthodiquement et avec une rigueur toute scientifique, procéda tout d’abord à une désinfection complète et minutieuse de toutes les baraques, et de tous nos vêtements, en plein hiver et par une température sibérienne. Je nous revois encore regagnant nos pénates, après l’opération, complètement nus et claquant des dents. Puis, à la tête des médecins français, dont quelqu’uns avaient servi aux colonies, il organisa la lutte contre le typhus. Rapidement, nos « toubibs » mirent au point une sorte d’auto-vaccin avec le plasma des premiers malades. Cette méthode se révéla très efficace, et il y eut très peu de morts… »

Ceci n’est qu’un petit aperçu des conditions de vie au stalag XI A. Dans un prochain article, je compte élaborer sur la vie quotidienne des prisonniers marquée entre autres par la faim et l’ennui. Je parlerai aussi de la libération du camp et des conditions dans lesquelles s’est fait le retour de mon père et des autres soldats.

Publié par L'abécédaire de mes ancêtres

Bonjour, D'origine française, je vis au Canada depuis plus de 40 ans. Généalogiste amateure, j'essaye de retracer la vie de mes ancêtres. Grâce à l'aide inestimable de parents mais aussi à des photos d'époque et à des articles de journaux ainsi qu'à des documents d'état civil et d'archives, je m'efforce de remonter le temps. Les articles réunis dans ce blogue sont principalement destinés à ma famille mais aussi à toute personne intéressée à l'histoire du quotidien et de gens ordinaires ayant mené une vie supposément sans histoire. Dominique G.

5 commentaires sur « X comme Stalag XI A 1/2 »

  1. Trouver une photographie de ton père a dû être une expérience des plus émouvantes. Comme on aimerait pouvoir poser des questions à nos parents décédés! Il ne reste plus de témoins pour nous parler d’eux.

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  2. En fait, j’ai la chance d’avoir encore des cousins qui peuvent me parler de mon père et qui l’aimaient beaucoup et le regardaient un peu comme un modèle car il avait de belles qualités humaines. Je compte en parler un peu dans mon prochain article. Oui, c’était tout une surprise de trouver une photo de lui. Surtout que j’en ai très peu car, un peu plus que nous tous, il n’aimait pas se faire photographier.

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