G comme Anne Genestier

Le patronyme Genestier est extrêmement courant dans la région de Fournols qui comprend même un lieu nommé la Genestière (voir carte). Chaque famille de la région a un parent Genestier et j’ai relevé de nombreuses unions entre Genestier.

Anne Genestier est mon ancêtre directe de sixième génération. Elle est la plus jeune mariée de mon arbre et la seule de mes ancêtres à s’être mariée à trois reprises.

Anne est née le vingt et un janvier 1780 au village de Pelotier (de nos jours Puy Hautier) dans la commune de Fournols, dans le Puy-de-Dôme. Baptisée sous le nom d’Anna mais appelée Anne, elle est la fille de Julien Genestier et Jeanne Blanchard. Troisième d’une fratrie de sept enfants (cinq filles et deux garçons), elle sera la première à survivre, ses deux soeurs ainées étant décédées en bas âge.

Carte générale de la France. 053, [Brioude – Issoire]. N°53. Flle 89
[établie sous la direction de César-François Cassini de Thury] – Gallica

Son père décède le seize décembre 1792. Neuf mois plus tard, sa mère l’autorise à se marier. Bien que son acte de mariage lui en donne quatorze, elle n’a alors que treize ans. Jean Genestier, son époux a dix-neuf ans et il est fils de métayer. Il faut noter qu’à l’époque, selon l’église et le droit canonique, l’âge nubile était fixé à douze ans pour les filles et quatorze ans pour les garçons.

Les nouveaux mariés vont probablement s’installer sur la ferme de Guillaume Genestier. Mais leur union sera de courte durée car Anne sera veuve avant de fêter ses dix-neuf ans, en novembre 1798. Jean n’aura vécu que vingt-trois ans. Je ne leur connais aucun enfant.

Acte de mariage de Jean Genestier et Anne Genestier à Fournols
Archives du Puy-de-Dôme

M. Jean Genestier et Marie Genestier Aujourd’hui vingt quatrième jour du mois de septembre mil sept cent quatre vingt treize an second de la république française à dix heures du matin par devant moi Antoine Croze membre du conseil général de la commune de Fournol élu le treize janvier dernier pour dresser les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens sont comparu en la maison commune pour contracter mariage d’une part Jean Genestier agé de dix neuf ans autorisé par Guillaume Genestier son père métayer de la Genestière (?) et par Anne Douard sa mère, d’autre part Anne Genestier agée de quatorze ans fille de Julien autorisée par Jeanne Blanchard sa mère du village Pelotier lesquels étaient assistés de Vital Feine (?) agé de vingt-cinq ans scieur de long du village de Massout de Guillaume Genestier père du future agé de cinquante deux ans de Pierre Fauret agé de vingt cinq ans scieur de long du village du Charbonnier moi Antoine Croze officier public après avoir fait lecture de tous les actes confirmant le mariage après aussi que ledit Jean Genest et lad. Anne Genestier ont déclaré à haute voix se prendre mutuellement en mariage, j’ai prononcé au nom de la loi qu’ils étoient unis en mariages et j’ai rédigé le présent acte que les parties et les témoins ont déclarer ne savoir signer fait en la maison commune ce jour, mois et an cy-dessus.

Quelques mois plus tard, soit le trente Ventôse an VII (vingt mars 1799) elle épousait en secondes noces Antoine Béal. Entre-temps, elle avait perdu sa mère et étant encore mineure, il lui fallut obtenir de toute urgence l’autorisation de ses oncles Guillaume et Benoît Genestier, tous habitants et marchands de Fournols. Alors en pleine Révolution française, le mariage est célébré selon la loi à St-Germain-l’Herm, chef-lieu du canton.

Acte de mariage de Antoine Béal et Anne Genestier à St-Germain-l’Herm
Archives du Puy-de-Dôme

Antoine Beal et Anne Genestier Aujourd’hui trente ventose an sept de la république française une et indivisible, onze heure du matin devant moi Barthelemy Greblet (?) président de l’administration municipale du canton de St Germain l’Herm au département du Puy de Dome sont comparu dans la salle des réunions décadeurés de ce canton à l’effet de contracter mariage d’une part Antoine Béal fils à Annet Béal et Margueritte Issartet d’eux authorisé journalier habitant du village de Pelotier commune de Fournol en ce canton d’autre part Anne Genestier veuve de Jean Genestier fille de feu Julien Genestier et de défunte Jeanne Blanchard authorisée suivant le procès verbal du quinze pluviose an sept a contracter mariage avec Antoine Béal par Guillaume et Benoit Genestier ses oncles et cousin Pierre Vialard aussi son cousin habitant ladite commune de Fournol.

Acte de mariage de Antoine Béal et Anne Genestier à St-Germain-l’Herm (suite)
Archives du Puy-de-Dôme

Les qu’els futurs conjoints étoient accompagnés de Jean François Vialard, Antoine Monghal et Antoine Pruneyre tous quatre marchands habitants le chef lieu de la commune de St Germain L’herm et ayant l’age requis par la loy pour être témoins moi susdit président après avoir fait lecture en présence des parties et des témoins primo de l’acte de naissance d’Antoine Béal en date du dix juillet mil sept cent soixante dix sept qui constate qu’il est né dans la commune de Fournol le dit jour en légitime mariage d’Annet Béal et de Marguerite Isartet. 2e de lacte de naissance d’Anne Genestier en date du vingt un genvier mil sept cent quatre vingt qui constate qu’elle est né le dit jour dans la commune de Fourmol du légitime mariage de Julien Genestier et de Jeanne Blanchar 3e de l’acte de publication rédigé par l’agent municipal de la commune de Fournol le 19 Ventose an sept sans opposition 4e du procès verbal daffé (?) par l’agent municipal de ladite commune de Fournol le quinze pluviose an sept dument enregisté au bureau de St Germain L’herm par urgence le vingt neuf du présent duquel il résulte que lad Anne Genestier future conjointe est authoriser par ses parents à s’unir en mariage avec Antoine Béal après aussi qu’Antoine Béal et Anne Genestier ont eu déclaré à haute voix se prendre mutuellement pour époux. J’ay prononcé au nom de la loy que lesdits Antoine Beal et Anne Genestier sont unis en mariage et ay rédigé le présent acte que j’ay signé avec les 2 prunagre (?) Jean François Vialard et Antoine Monghal. Les conjoints ont déclaré ne savoir signer

Un an plus tard, elle accouchait d’Annet Béal mais cette seconde union fut également de courte durée car Antoine Béal décède le treize mars 1801. Il n’a que vingt trois ans et Anne se retrouve à nouveau veuve à vingt et un ans.

Le treize août 1801 ou 25 Termidor an IX soit cinq mois plus tard, jour pour jour, après ce qui semble être la période de deuil à respecter, Anne épousa Benoit Amblard. Il est originaire de Condat-les-Montboissier, situé à dix kilomètres de Fournols.

Je leur connais cinq enfants (trois filles et deux garçons) nés entre 1802 et 1820. L’année 1803 fut particulièrement difficile alors qu’Anne va perdre ses deux ainés, coup sur coup. D’abord Annet Béal, issu de son précédent mariage, décède en septembre chez son grand-père paternel, à l’âge de trois ans. Puis en novembre, sa fille Anne Amblard qui n’a pas un an.

Acte de mariage de Benoit Amblard et Anne Genestier à Fournols
Archives du Puy-de-Dôme

17 Benoit Amblard et Anne Genestier Mairie de Fournol Arrondissement communal d’Ambert département du Puy-de-Dome du vingt cinquième jour du mois de termidor an neuf de la république française Acte de mariage de Benoit Amblard né le seize mai mil sept cent soixante treize fils légitime d’Antoine Amblard et Antoinette Fayolle propriètaires du lieu de Pissis commune de Condat et d’Anne Genestier née le seize janvier mil sept cent quatre vingt, veuve en premières noces de Jean Genestier vivant propriétaire du lieu de Pellotier Commune de Fournol. Les actes préliminaires sont extraits des registres des actes des publications faites en la maison commune des mairies de Fournol et de Condat ledit du présent mois et affichées au termes de la loi sans que personne aye fait d’opposition. Les actes des naissances des époux en forme de tout lesquels actes il a été donné lecture par moi maire. Les époux présents ont déclaré prendre en mariage l’un Anne Genetier l’autre Benoit Amblard en présence d’Antoine Amblard père du future agé de soixante trois ans, Jacques Amblard frère du futur agé de trente cinq ans tous deux propriétaires du lieu de Pissis commune de Condat. D’annet Béal beau-père de la future agé de cinquante sept ans et Jean Dutour beau-frère de la future agé de vingt deux ans tous deux propriétaire du lieu de Pellotier commune de Fournol après quoi moi maire ai prononcé qu’au nom de la loi lesdits époux sont unis en mariage. Lesquels ont tous déclaré ne savoir signer. Constaté par moi Antoine Croze maire fesant les fonctions d’officer public de l’état civil.

Quel curieux destin que celui d’Anne Genestier mariée si jeune alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, et devenue deux fois veuve après de courtes unions. Elle semble à chaque fois passer d’une tutelle parentale à la tutelle de son mari. Fait notable, lors des décès de ses deux premiers époux, Anne n’est jamais mentionnée. La référence concerne uniquement leurs parents ce qui est inhabituel.

Acte de décès d’Anne Genestier à Fournols
Archives du Puy-de-Dôme

No22 Genestier Anne Mariée 14 Juillet 1845 L’an mil huit cent quarante cinq et le quinze juillet à midi […] sont comparu Annet Amblard agé de trente huit ans fils de la défunte et Amblard Benoit agé de soixante quinze ans, époux de la défunte. Tous deux cultivateurs demeurant au village de Puy Hautier, Commune de Fournols lesquels nous ont déclaré que hier à cinq heures du matin Genestier Anne agée de soixante sept ans, épouse dudit Amblard Benoit est décédée en son domicile audit lieu, ainsi que nous nous en sommes assurés Les déclareurs ont dit ne savoir signer après lecture faites du présent act.

Anne s’éteindra le 14 juillet 1845 à l’âge de soixante-cinq ans et non soixante-sept. Son époux décèdera quelques mois après elle, le 20 octobre suivant à soixante-douze ans même si son acte de décès le dit âgé de soixante-quinze ans.

C comme Cartes postales

Collection de cartes postales anciennes dont certaines
sont très anciennes et datent même du début du siècle dernier

J’ai toujours aimé les cartes postales. J’aime en recevoir, c’est comme un coucou d’amis ou de parents qui me disent qu’ils pensent à moi et j’aime en envoyer pour les mêmes raisons. J’en ai aussi acheté comme souvenir d’une belle région surtout quand je n’avais pas d’appareil photo à portée de la main. Bien sûr, c’était à l’époque où les téléphones n’étaient ni portables, ni intelligents.

Pourtant, les cartes postales sont un outil essentiel pour ce blogue ! Car si, de nos jours, on achète encore quelques cartes postales comme souvenirs de vacances, leur usage était bien plus vaste au 19e comme au 20e siècles. Dès la fin du 19e, alors que très peu de gens avaient un appareil photo, des dizaines de photographes parcouraient les villes et les campagnes pour témoigner des événements mais aussi des catastrophes. Ainsi, je lisais récemment un article sur des photographes qui avaient envahi Paris après la Commune pour photographier les ruines des différents édifices incendiés. Si plusieurs d’entre eux travaillaient pour des journaux, d’autres destinaient leurs clichés à des éditeurs de cartes postales.

Intitulé invasion des photographes : ceux-ci parcouraient villes et campagnes pour tout photographier

On établit l’apparition des cartes postales, en France, à la guerre franco-prussienne de 1870, pendant le siège de la ville de Strasbourg, qui dura du 13 août au 23 septembre 1870. L’initiative serait venue de la Croix-Rouge afin de permettre aux blessés et aux assiégés de donner des nouvelles.

C’est en 1869 que le terme de carte de correspondance est utilisé pour la première fois. Dans le but de simplifier le système postal Emmanuel Hermann a sur convaincre l’administration postale autrichienne de l’usage de la « Correspondenz-karte ». Le rectangle de papier résistant dont le recto est imprimé d’un texte administratif et de la reproduction d’un timbre et dont le verso est réservé à la correspondance est né. Et malgré l’indignation de la France et de la grande Bretagne pour son manque de discrétion, il s’en vendra plus de 45000 exemplaires dès le premier jour de son édition. Un an après, la carte postale apparaît en France. Assiégée par l’armée allemande, la Croix-rouge propose aux blessés et aux assiégés de pouvoir communiquer avec leur famille. Extrait du blog : Quand la carte postale nous raconte son histoire (voir sources)

Le général Weider, qui connaissait le concept apparut l’année précédente en Autriche donna son accord. Des affiches furent produites en français et en allemand pour en informer la population. Les comités de secours d’autres villes ont ensuite emboité le pas comme Nancy, Mulhouse, Chambéry ou Lyon.

Ces cartes non timbrées avaient une croix rouge au recto et uniquement l’adresse du destinataire au verso. La carte postale, par son aspect public et le peu d’espace réservé au texte, permettait de contrôler facilement et rapidement les messages.

À Nancy, passée sous tutelle de l’administration allemande, la population fut informée le 29 septembre 1870 qu’elle pouvait utiliser une carte de correspondance. Celle-ci fut mise à la disposition du public au prix de 1 centime, et en quantité limitée (cinq cartes par personne). Elle était vendue dans toutes les recettes et par les facteurs et pouvait être acheminée vers les États de la Confédération de l’Allemagne du Nord, la Bavière, le Wurtemberg, le Bade, le Luxembourg ainsi que vers n’importe quel point des territoires français occupés par l’armée allemande. Extrait du blog Histoire de la carte postale (voir sources)

Cette pratique s’est poursuivie pendant les deux conflits mondiaux et c’est ainsi qu’on remettait des cartes postales aux prisonniers de guerre pour leur permettre d’informer leurs familles qu’ils étaient encore en vie, du camp où on pouvait les rejoindre et demander qu’on leur envoie des vivres et quelques effets personnels.

Pendant longtemps, les cartes postales ont servi de témoins et c’est ainsi que j’ai trouvé des cartes représentant des inondations ou des villages anéantis par la guerre mais aussi documentant la vie quotidienne des villes comme des campagnes : des femmes allant chercher de l’eau à la fontaine tout comme une cérémonie militaire ou encore des marchés publics tout comme des tanks pris à l’ennemi et présentés comme trophées de guerre.

La collection de cartes postales de ma cousine
classées par thèmes dans des boîtes

Dans certaines familles, ces cartes postales ont été gardées précieusement. Ainsi, une de mes amies a des centaines de cartes postales préservées dans des classeurs thématiques tandis qu’une de mes cousines a plusieurs boîtes de cartes qu’elle a organisées par genres et styles : les cartes d’anniversaires ou de voeux, les cartes géographiques classées par pays, départements ou villes, etc. Malheureusement, des vélléités philatéliques ont amputé plusieurs d’entre elles de leurs timbres et de leur date d’expédition.

Dans de nombreux articles, je me suis rabattue sur des cartes postales anciennes pour illustrer mon propos qu’il s’agisse d’un village de mes ancêtres que je n’ai jamais visité, des conditions de vie durant l’inondation du siècle de 1910 ou encore d’un métier disparu.

Photo de ma grand-mère maternelle qui avait
fait imprimer son portrait en carte postale

Même la première photo de ma grand-mère prise dans un studio de photos a été reproduite en carte postale. Ces cartes photos ne coutaient que quelques centimes pour une édition limitée d’une dizaine ou vingtaine de cartes.

J’imagine que ces portraits cartes postales pouvaient servir d’introduction quand on cherchait un mari ou une épouse. Il n’était pas rare à l’époque de s’informer auprès d’amis ou encore de passer une petite annonce dans une revue d’annonces matrimoniales ou dans le journal local. Une annonce du genre « jeune homme ou demoiselle âgé(e) de… bien sous tous rapports… cherche … pour mariage. Candidat(e)s sérieux/ses uniquement ». Si quelqu’un était intéressé, il ou elle demandait une photo et si l’intérêt persistait une première rencontre était organisée. Cela fait un peu penser à ces portraits peints que les familles nobles se faisaient parvenir dans le but de sceller une union entre les enfants de deux familles.

Certaines cartes avaient aussi une valeur promotionnelle et de nombreux commerçants se faisaient photographier, parfois avec toute leur famille, devant leur magasin tandis que d’autres envoyaient des photos de leur devanture ou de leur enseigne à leurs clients. Cette pratique de la carte promotionelle existe d’ailleurs toujours mais on la laisse plutôt sur le comptoir. Les clients intéressés peuvent se servir à leur guise.

Parmi la collection de cartes postales de ma cousine, j’ai aussi retrouvé des cartes sentimentales envoyées probablement pour souhaiter un anniversaire ou se rappeler au bon souvenir d’un ami ou d’une bien-aimée. Les gens s’écrivaient même s’ils habitaient la même ville pour s’inviter à diner ou prendre rendez-vous. C’était leur façon de garder un lien tout comme nous envoyons un message courriel rapide ou faisons un appel téléphonique.

Recto d’une carte postale de Meung-sur-Loire avec le timbre
et le texte de l’expéditeur – 1904
Archives du Loiret – ref : 11 FI 3111

Je m’étais toujours demandé pourquoi les gens écrivaient sur l’image et y collaient les timbres. D’ailleurs, certaines cartes comportaient des sections en blanc en marge de l’image. En fait, pendant longtemps le verso était réservé à l’adresse du destinataire qui était la seule information à pouvoir y figurer. Ce n’est que vers 1904 que le verso a été séparé en deux sections une pour le texte, l’autre pour l’adresse du destinataire.

Verso de la même carte expédiée à Mr Lenormand
instituteur à St Jean de la Ruelle
sur lequel figure seulement l’adresse -1904
Archives du Loiret – ref : 11 FI 3111

Les archives départementales et municipales ont bien compris l’aspect patrimonial des cartes postales et la plupart ont mis leurs collections en ligne avec d’autres documents visuels comme des photos ou des plans. Ce sont souvent les seuls témoins visuels de certains lieux à un moment donné. Les archives du Puy-de-Dôme par exemple indiquent avoir dans leur photothèque environ 30 000 cartes postales. D’autres sont plus modestes comme le Loiret qui en répertorie un peu plus de 7 000.

J’ai commencé à établir ma propre collection et lors de mon dernier voyage en France, je n’ai pu m’empêcher d’aller faire un tour chez les bouquinistes au bord de la Seine. Ils ont encore quelques cartes postales et il est possible de trouver quelques exemplaires intéressants mais la revente en ligne offre un bien plus vaste choix.

On établit l’âge d’or de la carte postale vers les premières années du 20e siècle soit de 1900 à 1915 alors qu’il se vend des millions de cartes postales en tous genres. Ainsi, Magalie Terre dans un article publié dans La Poste + nous apprend que : « L’an 1913 a sonné l’heure de gloire de la carte postale: 112 millions de cartes postales ont été envoyées cette année-là. Grâce à l’essor de l’industrialisation, de plus en plus de personnes ont appris à lire et à écrire – et leur besoin d’échanger par écrit a augmenté. »

La popularité des cartes postales est alors si grande que les vendeurs officiels comme les libraires veulent faire interdire leur vente par les kiosques à journaux et demandent au gouvernement d’intervenir en leur faveur.

De nos jours, les ventes de cartes postales ont terriblement décliné et ont été largement supplantées par les cartes électroniques. Malheureusement, il y a fort à parier que dans quelques décennies, il n’en restera que très peu de vestiges tout comme des photos électroniques, d’ailleurs.

Sources :

T comme Toponymie : Miodet

La rivière Miodet traverse la municipalité de Saint-Dier-d’Auvergne

La toponymie c’est l’ensemble des noms de lieux d’une région ou d’une langue mais aussi l’étude de leur sens et de leur étymologie. Or, on se demande souvent d’où viennent les noms de lieux et les noms de famille qui leur sont associés. D’autant que le même nom peut revenir régulièrement dans une région donnée.

Miodet est un nom courant dans la région
et autour de la rivière Miodet

C’est le cas, par exemple, du nom Miodet qui revient souvent dans mon arbre. Ainsi, c’est le nom de mon arrière-arrière-grand-père Joseph Miodet et de sa fille Marie, mon arrière-grand-mère maternelle qui vivaient au village du Pic à Saint-Jean-des-Ollières dans le Puy-de-Dôme.

Mais c’est aussi le nom d’un hameau de Saint-Jean, d’une petite rivière qui traverse la municipalité et même d’une rue. On y trouve aussi un pont, une route et une ferme isolée composée de trois bâtiments tous identifiés sous le nom de tour de Miodet. Selon le site eauvergnat.fr :

« Il existe une tour du Miodet. Il s’agit d’un ancien château déjà en ruine en 1403. » … « Il ne reste aucun vestige à nos jours. Le Seigneur de l’époque féodale se qualifiait toujours de seigneur de Boissonnelle et Veaux de Méodes ou Viomodes. Ce nom dérivé de « Val méode », désignait une châtellerie dont le territoire, comme son nom l’indique devait comprendre toute la vallée de la Méode (Miodet). »

Carte de Geneanet illustrant la répartition
géographique du patronyme Miodet surtout
concentré dans le Massif Central

Miodet est un nom assez rare que l’on retrouve surtout dans le Puy-de-Dôme. Ainsi, sur une période de 400 ans soit de 1600 à l’an 2000, Geneanet le répertorie un peu plus de mille fois, plus particulièrement à Saint-Dier-d’Auvergne (691 individus), Saint-Jean-des-Ollières (679), Fayet-le-Château (51) et une poignée d’autres localités d’Auvergne situées à proximité du Miodet incluant Courpière (30 individus), Ceilloux (29), Trézioux (26), St-Flour (24), Donauze (24), Estandeuil (20) et Bongheat (19). Quelques Miodet ont quitté leur village pour s’établir principalement à Clermont-Ferrand et à Paris.

Impasse du Miodet à St-Dier-d’Auverrgne

Les trois premières agglomérations citées (soit Saint-Jean-des-Ollières, Saint-Dier-d’Auvergne et Fayet-le-Château) sont limitrophes et situées à quelques kilomètres les unes des autres sur la rive gauche du Miodet qui traverse St-Jean et St-Dier qui a d’ailleurs une artère nommée impasse du Miodet.

Le Miodet prend sa source à Saint-Éloy-la-Glacière à 1,095 mètres d’altitude dans le Livradois, une chaine montagneuse au centre du Massif Central.

Le Miodet près de St-Dier

S’écoulant principalement en terrain boisé, cette rivière sinueuse de 30 kilomètres se jette dans la Dore qui est un affluent de la Loire. Chemin faisant, le Miodet s’engouffre dans des gorges profondes en aval de St-Jean et de St-Dier où on peut depuis toujours pratiquer la pêche à la truite dont on recommande actuellement une remise à l’eau afin de protéger la ressource.

La rivière Miodet sur OpenStreetMap

Il y a moins d’un siècle, le Miodet était longé d’une trentaine de moulins qui profitaient de sa force motrice pour faire principalement de la farine. S’il en reste encore plusieurs, seul le moulin de Graveyroux est encore en activité. Par contre, le Miodet est depuis le 19e siècle harnaché par le barrage hydroélectrique de Sauviat à hauteur de St-Flour, soit un peu avant de rejoindre la Dore. D’autres ouvrages hydroélectriques ont bien été considérés au début du 20e siècle mais ne se sont jamais réalisés.

Tout tourne donc autour de cette rivière qui, au cours des siècles, a porté plusieurs noms incluant Miodex. Un nom aux origines gauloises bien que l’information que j’ai trouvée sur le sujet soit extrèmement ténue. Les autres noms incluent Meode et Meodet comme en témoigne la carte établie sous César-François Cassini de Thury, cartographe qui vécu de 1714 à 1784 et établi la première carte du royaume de France.

Carte de la région alors que le Miodet se nomme Meodet
Carte de Cassini 052 – Gallica

Mes ancêtres tiennent donc leur nom de la rivière à côté de laquelle ils vivaient ou s’étaient installés. Le lieu servait à les désigner et a fini par devenir leur patronyme. En a-t-il toujours été ainsi? Je l’ignore !

Alors que ce patronyme est parfois écrit Miaudet, l’orthographe la plus commune est Miodet. D’ailleurs quelques Miodet se sont illustrés comme le Dr Albert Miodet qui en plus d’être médecin a été Conseiller général du canton et maire de St-Dier, un directeur de mines qui était un ancien notaire, deux légionnaires dont Pierre Miodet ayant servi sous Napoléon et dont je vous ai déjà parlé.

Sources:

C comme Chocolatière

Ma chocolatière en grés

Il y a quelques années, alors qu’après bien des décennies d’absence, je visitais ce village des Pyrénnées où j’avais été baptisée, des cousins généreux me firent un cadeau. Il s’agissait d’un broc ou d’un pichet en céramique brun vernissé venant de la région.

Quand j’ai demandé si l’objet avait un usage particulier, on n’a pas pu me répondre avec précision. Pourtant, l’élément le plus remarquable était bien l’anse qui au lieu de se trouver à l’opposé du bec verseur, était placée sur le côté de façon à former un angle de 90 degrés.

J’ai longtemps cherché en ligne en utilisant différents mots-clés au point de croire qu’il s’agissait d’un objet assez unique en son genre. Chemin faisant, j’ai essayé de comprendre quelles étaient les différences entre une carafe, une cruche, un pot ou encore un pichet ou un broc.

Or, selon le site « le Français de nos régions« , tous ces noms sont couramment interchangés et il serait plus question de régionalisme et de fréquence d’usage que de différence au niveau de l’objet lui-même.

Les définitions qu’on en trouve sont, cela dit, toutes assez proches: un pichet est un « récipient de petite taille, de terre ou de métal, de forme galbée avec un collet étroit où s’attache une anse, utilisé pour servir une boisson »; à l’entrée broc, la définition change à peine: « récipient à anse, de taille variable, le plus souvent en métal, avec un bec évasé, utilisé pour la boisson ou pour transporter des liquides ». La définition de cruche n’est guère différente non plus: « vase à large panse, à anse et à bec, destiné à contenir des liquides ».

Carte de France avec la répartition des différentes
fréquences d’usage en fonction des régions
francaisdenosregions.com

Un sondage a révélé que dans l’ouest et le centre de la France on préférait dire pichet et que dans le nord-est on optait plutôt pour cruche alors que la grande région parisienne privilégiait les mots broc, broc d’eau ou broc à eau. Quant au pot d’eau, il se retrouvait surtout dans la région Lyonnaise et la carafe dans le sud de la France. La région des Pyrénées semblait donc privilégier les mots pichet ou carafe mais avant tout en rapport avec l’eau sans que l’objet que je recherchais y soit clairement défini.

Cependant, ce sondage se concentrait sur les récipients à eau dont l’anse était probablement alignée avec le bec verseur. Or, dès la fin du 16e siècle, les grandes puissances coloniales comme l’Angleterre, l’Espagne et la France s’ouvraient aux boissons exotiques comme le thé, le café ou le chocolat. C’est en m’intéressant à ces différents liquides qu’une voie s’est clairement dessinée. Ce dont on m’avait fait cadeau était une chocolatière.

Plusieurs théories ont été émises et certaines attribuent l’arrivée du chocolat en France à l’installation, à Bayonne, des Juifs expulsés d’Espagne, vers 1610. Pourtant, cette expulsion a été décrétée en 1492, soit plus d’un siècle plus tôt et aussi bien avant que Cortes ne rapporte d’Amérique du Sud les fèves de cacao, en 1527.

D’autres relient l’engouement des Français pour le chocolat au mariage de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, fille du roi d’Espagne, en 1615 ; puis en 1660, au mariage à St-Jean-de-Luz de Louis XIV et de Marie Thérèse, l’infante d’Espagne. Celles-ci auraient partagé un goût prononcé pour le chocolat et l’auraient, soit introduit, soit imposé à la cour de France. Là encore plus d’un siècle sépare la découverte de ce breuvage par les Européens et l’arrivée des deux princesses espagnoles en France.

Cependant, le chocolat était une denrée de luxe que seuls les aristocrates et les riches bourgeois pouvaient s’offrir ce qui provoqua une certaine vogue. Les chocolatières étaient alors en argent ou en or.

Collection muséale de chocolatières en métal et porcelaine anciennes et contemporaines

Au même moment, se développaient les arts de la table et s’établissaient des manufactures royales de porcelaine dont on venait tout récemment de percer les secrets de fabrication. Ainsi, ce serait Madame de Pompadour, la maitresse de Louis XIV, qui aurait commandé un service à chocolat en porcelaine aux manufactures de Sèvres.

« Ce récipient à panse arrondie ou en forme de cône tronqué muni d’un bec verseur et d’une poignée horizontale est fermé par un couvercle percé d’un trou pour le passage du batteur. »« Au 17ème siècle, pour préparer cette boisson, les chocolatières disposaient d’un trou au milieu de leurs couvercles pour passer le manche du moulinet (ou moussoir) qui servait à faire mousser le chocolat pour lui donner tout son arôme. Le moulinet est une petite masse de buis dont la tête est ciselée, avec un manche assez long par rapport à la grosseur de la tête qui remplit presque toute l’embouchure de la chocolatière. »

Service à chocolat
avec moulinet pour faire mousser le chocolat
Lou Castelbon

Il faut dire que le rituel du chocolat, et probablement celui apporté par les princesses espagnoles, était alors bien différent de ce que l’on connaît aujourd’hui et allait comme suit:

  • Faire fondre du chocolat noir en morceaux dans une casserole à fond épais avec une grande tasse d’eau. Faire fondre lentement à feu doux, le chocolat ne doit pas attacher.
  • Chauffer un litre de lait dans une casserole. Remuer le chocolat fondu avec une spatule en bois pour obtenir un mélange lisse.
  • Verser le lait chaud dans la casserole du chocolat tout en remuant continuellement avec la spatule. Le mélange doit atteindre le point d’ébullition. Retirer alors la casserole du feu et verser le contenu dans une chocolatière.
  • Ajouter 4 cuillères à soupe de sucre en poudre et un peu de vanille en poudre.
  • On peut éventuellement ajouter un peu de cannelle ou de clou de girofle finement broyés. Bien remuer, couvrir et laisser reposer une nuit à température ambiante.
  • Le lendemain, au moment de déguster, placer la chocolatière dans une grande casserole d’eau et faire chauffer au bain marie à petite ébullition.
  • Lorsque le chocolat est très chaud, retirer la chocolatière du bain-marie, l’essuyer rapidement, faire mousser le chocolat en imprimant au moulinet des petites rotations rapides entre les paumes des mains.
  • Le chocolat est prêt, vous pouvez servir et vous régaler.

On prêtait aussi au chocolat bien des vertus médicinales et on a un temps prétendu qu’il pouvait servir à traiter plusieurs maladies et non des moindres.

« Dans le milieu scientifique, la plupart des botanistes et médecins reconnaissent au chocolat des vertus digestives et des propriétés dynamisantes. Un certain docteur Bligny en vient même à le prescrire en 1717 pour guérir le rhume, la flexion de poitrine, la diarrhée, la dysenterie et… le choléra.« 

De plus, comme à l’époque il se buvait, il était autorisé pendant le carême. Ce qui lui conférait un énorme avantage pour tromper la faim en cette période de restriction qui durait quarante jours.

Chocolatière en métal avec une source de chaleur
pour garder le chocolat chaud

Avec la propagation du chocolat à travers toute l’Europe, et sa démocratisation, on commença à voir apparaître des chocolatières dans des matériaux moins nobles comme le cuivre, l’étain, le grès et la faïence. Certaines chocolatières avaient trois pieds surélevés ce qui permettait de placer en dessous une source de chaleur flamme ou braises pour garder le chocolat chaud.

Les limonadiers, établis en corporation professionnelle sous Louis XIV, étaient les anciens cafetiers et propriétaires de bistros. C’était eux qui avaient le monopole de préparer et de vendre différents types de boissons exotiques incluant le chocolat en plus des boissons alcoolisées. Par contre, je doute qu’ils aient eu le temps de laisser leur préparation reposer toute la nuit ou d’utiliser le moulinet pour faire mousser le lait au chocolat. Les chocolatières se sont donc simplifiées et ont perdu leur ouverture dans le couvercle quand ce n’est pas le couvercle lui-même ainsi que leur poignée droite.

Série de chocolatières semblables à la mienne qui n’est donc pas si unique

Alors, le récipient que j’ai reçu est bien, de par sa forme, une chocolatière et elle vient probablement de la région des Pyrénnées. Cependant, elle semble avoir fait l’objet d’une production en série et je doute qu’elle soit typiquement locale. Mais par ces longues et froides soirées d’hiver quoi de plus réconfortant qu’un bon chocolat chaud.

Sources:

D comme Divorce et Disparition

En ce mois de la Saint Valentin, voilà qu’on nous propose de parler d’amours malheureuses ou d’un fait divers. C’est un peu contre intuitif mais dans les circonstances pourquoi ne pas parler des deux. 

Indicateur des mariages du 6 avril 1862 Gallica

Tout commence pour le mieux avec un entre-filets de deux lignes dans l’Indicateur des mariages du 6 avril 1862 et dans la Presse du 11 avril suivant annonçant le mariage d’Albin, Joseph, Nicolas Guillaumant et Émélie, Marie, Octavie Diot. Le mariage sera célébré le 26 avril suivant à la mairie du 20e arrondissement, où demeure la future mariée. Tous deux ont vingt-deux ans. 

Lui est né et a vécu toute sa vie dans le faubourg Saint-Antoine où il travaille comme sculpteur sur bois. Il est le sixième et avant-dernier fils de mon ancêtre de 5e génération Constant Guillaumant mort neuf ans plus tôt, en 1853. Sa mère, Marie Félicité Gamard, qui se dit teinturière, est présente et consentante. 

Émélie travaille comme sous-maitresse. Elle est la fille d’un marchand drapier de Bray-sur-Somme, dans la Somme justement, où elle est née et a grandi. Son père est également décédé mais sa mère, Marie Josèphe Clarisse Gaudefroy, a fait le voyage jusqu’à Paris. 

Parmi les témoins au mariage, on retrouve Louis Frédéric Guillaumant, frère du marié, vernisseur âgé de trente ans ainsi qu’Eugène Cuche, son beau-frère, sculpteur. Les témoins de la future sont son oncle maternel Alexandre Constant Gaudefroy, rentier âgé de soixante-neuf ans et Jean Baptiste Fourré, ébéniste âgé de trente ans qui est aussi son ami et voisin.

De 1866 à 1879, le couple aura deux filles et quatre garçons dont un mourra avant d’atteindre un an et un autre ne vivra que quelques jours. 

Les deux aînés sont nés à Bray-sur-Somme, probablement pour bénéficier de l’aide de Clarisse, leur grand-mère. Mais, celle-ci commence à se faire vieille aussi les quatre autres naîtront à Paris. En se mariant Émélie a probablement perdu son emploi et travaille désormais avec son mari ou sa belle-famille. Dès 1864, elle est dite vernisseuse.

Église Saint-Nicolas de Bray-sur-Somme où fut célébré le mariage de
Marie Octavie Félicité Guillaumant et Pascal Marcellin Hollande

La famille reste proche de Bray-sur-Somme où les enfants sont envoyés durant les vacances scolaires quand ils n’aident pas à gagner un peu d’argent. Ils demeurent probablement chez leur grand-mère au moins jusqu’en 1883 ou encore son décès en juin 1884.

C’est là, qu’en décembre 1885, leur fille aînée, Marie Octavie Félicité âgée de vingt-deux ans épouse Pascal Marcellin Hollande, cordonnier de vingt ans et huit mois. Seul son père, Nicolas est venu de Paris pour consentir au mariage. Émélie qui travaille alors comme domestique a cependant été informée et consultée.

Le trente et un janvier 1887, Émélie obtient enfin du Tribunal civil de première instance de la Seine, le divorce qu’elle a demandé deux ans plus tôt. C’est que depuis quelques années déjà, rien ne va plus entre Nicolas et elle. Il a d’ailleurs déménagé au 80 rue Claude Decaen, chez une certaine Madame Crambin. 

Mention de divorce en marge de l’acte de
mariage d’ Albin Joseph Nicolas Guillaumant
et Emélie Marie Octavie Diot
Archives de Paris

Par jugement du Tribunal civil de la Seine en date du trente-un janvier mil huit cent quatre vingt sept transcrit en cette mairie le vingt-sept juillet mil huit cent quatre vingt sept Reg III, r 647 le mariage de Albin Joseph Nicolas Guillaumant et Emélie Marie Octavie Diot a été dissout par le divorce. Dont mention faite par Nous soussigné, Henri Chassin, adjoint au Maire, Officier de l’État civil du vingtième arrondissement de Paris, le vingt-sept juillet mil huit cent quatre vingt sept

Le jugement est au bénéfice de l’épouse qui a invoqué les articles 230 et 231 introduits depuis peu. Ces articles qui couvrent les causes « d’excès, sévices et injures graves de nature à demander un divorce » sont souvent invoqués.

En 1896, au mariage de leur fils aîné Henri Antoine, c’est Émélie qui est présente alors que Nicolas est déclaré absent. On certifie même ne pas connaître son adresse. Émélie habite maintenant Courbevoie, à quelques maisons de chez son fils et sa bru.

Les ponts semblent être coupés entre Nicolas et ses enfants car une fois de plus il est mentionné comme « disparu » en 1900 lors de l’engagement pour l’armée de Félix Arthur, son fils benjamin. Son absence permettra d’ailleurs à celui-ci d’être exempté selon l’article 20 en tant que soutien de famille. Bien qu’il ait tiré un mauvais numéro, Félix Arthur ne fera que quelques mois dans l’armée du 14 novembre 1900 au 21 septembre 1901 avant de passer dans la réserve active.

Fiche nominative de Félix Arthur Guillaumant au Registre du recrutment pour la classe 1899 – Archives de Paris

Nicolas va décéder seul, à l’insu de sa famille, le 18 juillet 1908, au 119 rue de Montreuil, 11e arrondissement. Il a soixante-treize ans et a été découvert par sa concierge probablement alertée par un jeune sculpteur sur bois de ses amis, demeurant dans le même immeuble. Il sera inhumé deux jours plus tard au cimetière parisien de Pantin sous le nom de Joseph Guillaumant.

Quant à Émélie Octavie, je la cherche encore. La dernière trace que j’ai d’elle est en juin 1905 au décès de son fils Félix Arthur, âgé de vingt-cinq ans. Elle demeure depuis quelques années au 27 rue St Pétersbourg, à Paris. Elle est alors âgée de soixante-cinq ans, célibataire et sans profession connue.

Sur Gallica, une recherche sous Guillaumant donne, entre autres, ce tragique fait divers publié par le journal Le Gaulois du mardi 1er décembre 1925 et que j’ai cru, un temps, relié à Émélie Diot :

Le Gaulois du mardi 1er décembre 1925 – Gallica

Brûlée vive Un commencement d’incendie a éclaté hier matin dans la loge de Mme Marie Guillaumant, soixante et onze ans, concierge, 156, avenue de Fontainebleau, à Bicêtre. Quand les pompiers eurent éteint le sinistre, ils trouvèrent le cadavre de Mme veuve Guillaumant. L’infortunée, surprise dans son sommeil, n’avait pas eu le temps de s’enfuir et elle avait ètè brulée vive. Le feu aurait été occasionné, croit-on, par une lampe à essence que Mme veuve Guillaumant avait laissé allumée toute la nuit.

Malheureusement, seules les tables décennales des décès du Val de Marne sont consultables en ligne. Je n’y ai pas trouvé de Marie Diot ni de Marie Guillaumant mais une Marie Désirée Guillaumont décédée le 30 novembre 1925. C’est peu d’informations, mais cela me conforte dans mon sentiment qu’il s’agit probablement d’une erreur typographie et que je dois continuer à chercher.

Cependant, je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour cette pauvre madame Guillaumont morte dans des circonstances atroces et pour les inquiétudes des Guillaumant de l’époque qui, s’ils ont eu vent de l’affaire, ont dû se demander qui était cette parente éloignée décédée dans un incendie.

Sources :

O comme le Onze février

Dans toutes les familles, il y a des dates et des mois de prédiléction qui semblent, bien plus que d’autres, être l’occasion d’événements heureux ou malheureux. Ainsi, j’ai été frappée de constater que le onzième jour du mois et particulièrement le onze février ressort à plus d’une occasion dans la famille Vauchez. En voici donc le détail :

Onze février 1809

C’est en ce samedi onze février 1809 que naît au matin d’une froide journée d’hiver, Clotine Vauchez mon ancêtre directe de cinquième génération. Son père la déclare à la mairie le jour même. Je n’ai pas son baptistaire mais je suppose que sa marraine est aussi sa tante Clotine Vauchez.

Archives du Pas de Calais – État civil d’Epinoy
5 MIR 298/2

Naissance de Marie Clotine Joseph Chauché Vauchez L’an mil huit cent neuf le onze du mois de février a quatre heures dusoïr par devant nous Charles Louis Carpentier maire et officier de l’état civil de la commune d’Epinoÿ, canton de Marquion département du Pas de Calais est comparu Louis Chauché Vauchez agé de quarante ans cordier domicilié dans la commune d’Epinoÿ lesquels nous ont présenté un enfant du sexe féminin né le onze du mois de février a dix heures du matin de (?) du déclarant et de Marie Joseph Duchatelle son épouse et auquel il a déclaré vouloir donner le prénom de Marie Clotine Joseph Bauché Vauchez les dites déclaritions et présentations fait en présence de François Duchatelle agé de vingt six ans ouvrier domicilier dans la commune d’Epinoÿ oncle a lenfant du coté maternelle et Jean Pierre Richard agé de soixante quatre ans clercq domicilier dans la commune d’Epinoÿ voisin Le père et le premier témoin ont déclaré ne savoir signé et le deuxième témoin a signé avec nous le présent acte de naissance après quils leurs en a été fait lecture. Signé Richard et Carpentier

Epinoy et son clocher
Site de la mairie

Elle est la huitième et avant-dernière enfant du couple formé par Louis Joseph Vauchez et Marie Josèphe Duchatelle. En tout, je leur connais six filles et trois garçons dont deux sont d’ailleurs nés aussi un onzième jour du mois : Honoré né le onze juillet 1797 et Fidel Constant né le 11 mai 1815.

Ils demeurent à Épinoy dans le Pas-de-Calais, une petite commune située à vingt kilomètres de Douai. Le père est cordier comme tous les hommes de la famille et ne sait pas signer et probablement ni lire, ni écrire.

Chemins sprirtuels –
Basilique Saint Martin

Même si le nom apparaît deux fois dans la famille, je n’ai pas trouvé de sainte Clotine à laquelle la rattacher. Par contre, mis à part sa déclaration de naissance, tout au long de sa vie Clotine semble avoir été appelée Clotilde. Il s’agit là d’un très vieux nom français alors que cette sainte, originaire des bords de la Baltique, était la fille d’un roi burgonde. Elle était l’épouse du sanguinaire Clovis, roi des Francs qu’elle parvint à convertir au catholicisme. Devenue veuve, elle s’est retirée au couvent de Saint-Martin à Tours.

Onze février 1832

En ce samedi après-midi, Clotine dite Clotilde se marie. C’est le jour de ses vingt-trois ans et elle va s’unir à Pierre Joseph dit Jean Baptiste Griffard, de trois ans son cadet.

Mariage campagnard,
tout le monde a mis son plus bel habit

La promesse de mariage a été faite l’année précédente car les bans datent du premier et deuxième dimanches de janvier. De part et d’autre, la famille est présente et les parents sont consentants. Tout le monde est sur son trente-et-un pour assister à la noce.

Mariage d’amour ? Peut-être ! Mariage obligé ? Sans doute, car l’un n’empêche pas l’autre.

Quatre mois plus tard, Clotilde va mettre au monde le premier des enfants Griffard : Armance née le 9 juin 1832. Neuf autres suivront sur une période de vingt-quatre ans soit de 1832 à 1856. À la naissance du dernier, un garçon mort-né, elle a quarante-sept ans.

Famille de cordiers

Il faut dire que si Clotilde a peut-être choisi un beau garçon, ce n’était surement pas le plus riche. Toute sa vie, elle a vécu dans le besoin tant avec son père qu’avec son mari. Car les temps sont durs pour le pauvre monde. Les cordiers sont nombreux à Épinoy, la concurrence féroce, et ils gagnent une vie de misère.

Comme si ce n’était pas suffisant, voilà que le 15 mars 1832, le choléra-morbus arrive à Calais en provenance d’Angleterre.

Le virus qui se propage par les rats et l’eau contaminée circule quelques jours plus tard à Paris où il se répand comme une trainée de poudre malgré les mesures sanitaires. Les gens cherchent à fuir et à retourner dans leur province natale. Avec eux, ils emmènent le mal qui continue à se répandre.

Onze février 1833

Depuis 1832, Épinoy qui n’est pas épargné, compte ses morts car l’épidémie de choléra se propage à travers tout le pays. Elle va durer plusieurs années et fera encore des ravages dans les campagnes françaises en 1834.

C’est ainsi qu’après une vie de misère, Louis Joseph Vauchez, le père de Clotilde meurt le lundi 11 février 1833 à environ soixante-cinq ans. Sa femme, Marie Josèphe Duchatelle, lui survivra encore une dizaine d’années alors qu’elle décède à soixante-quinze ans.

Archives du Pas de Calais – État civil d’Epinoy
5 MIR 298/3

Décès de Louis Vauchez Soixante cinq ans marié L’an mil huit cent trente trois le onzième jour du mois de février a deux heures du soir en la mairie et pardevant nous Pierre Antoine Cattiaux maire et officier de l’état civil de la commune d’Epinoÿ Canton de Marquoin arrondissement d’Arras département du Pas de Calais, ont comparu Benoit Vauchez agé de soixante-huit ans fabriquant de corde domicilié dans la commune d’Epinoÿ et Honoré Vauchez agé de trente-quatre ans fabriquant de corde domicilié dans la commune d’Epinoÿ. Lesquels nous ont déclaré que Louis Vauchez agé de soixante-cinq ans fabriquant de corde domicilié dans la commune d’Epinoÿ marié à Marie Joseph Duchatelle agée de cinquante neuf ans ménagère domiciliée dans la commune d’Epinoÿ né en la ville de Douai fils de feu Joseph manoeuvrier et de feu Catherine D’Auvergne ménagère demeurant en la ville de Douai est décédé à Epinoÿ en sa demeure le onzième jour du mois de février à midi précise. Ladite déclaration faite par les sieurs Benoit Vauchez et Honoré Vauchez ci-dessus dénommés. Le premier frère et le second fils du défunt qui ont déclaré ne savoir signer le présent acte, après qu’il leur en eut été donné lecture. Signé Cattiaux

Clotilde et Jean Baptiste

Quant à Clotilde, elle perdra son mari trente ans plus tard, soit le 26 juillet 1863. Il n’avait que cinquante et un ans. Avec sa mort, la famille va tomber dans l’indigence. Les enfants, surtout les plus grands, ont appris à se débrouiller et vont quitter le foyer très tôt. C’est le cas d’Ermance qui parcourt les routes de France comme vendeuse de cordes et de sa soeur Joséphine. Née le jour de Noël 1845, celle-ci va, à vingt ans, rencontrer mon ancêtre Joseph Miodet et ne plus jamais le quitter.

Epinoy a été complètement détruit et reconstruit durant les années 1920

Épinoy

Pour ce qui est d’Épinoy, je l’imagine comme une bourgade principalement constituée de petites maisons surpeuplées. Cependant, il n’en reste presque aucun vestige car le village fut un des premiers envahit durant la Première Guerre mondiale. Il a été presque entièrement détruit et fut reconstruit durant les années 1920. Quant aux familles Duchatelle, Vauchez, Griffard et autres, j’ignore s’ils sont revenus au village et si certains de leurs descendants y vivent encore.

Sources :

E comme Edmé Gamard

Saint Edmé et les moines de l’abbaye de Pontigny à gauche et Transfert du corps de Saint Edme à droite
Abbaye de Pontigny Copyright © eglisesduconfluent.fr

Edmé Gamard est mon ancêtre paternel de septième génération. À quelques jours près, on pourrait fêter son anniversaire de naissance, lui qui est né le 24 janvier 1730 à Mont-Saint-Sulpice, dans l’Yonne.

Edmé portait le prénom de son père, de son grand-père et même de son arrière-grand-père. Ainsi bien sûr, comme le veut la tradition, celui de son parrain. Edmé était un nom populaire dans la famille tout comme dans la région alors que sa grand-mère paternelle s’appellait aussi Edmée née Chaumet.

Edme, fils d’Edme Gamard et d’Anne Drouin son épouse a esté baptizé le ving quattre janvier de l’année courante, le parain Edme Clerin, la maraine Marie Mouturat qui n’ont point signé.

Ancienne carte postale de Mont-Saint-Sulpice

Edmé Gamard épouse Marie Charlotte Pouy, le 16 février 1753. Il a alors vingt-trois ans et elle vingt huit ans. Ils sont tous deux originaires de Mont-Saint-Sulpice qui compte plus ou moins mille habitants. Au moment de son mariage, il se dit couvreur. Puis vers 1756, il est charpentier comme son père.

Ensemble, ils auront six enfants, trois garçons et trois filles. Selon la tradition familiale, leur ainé est prénommé Edmé tandis que leur fille ainée hérite des prénoms de sa mère Marie Charlotte. Malheureusement, fin 1759 ils perdent, à quelques jours d’intervalle, deux enfants. D’abord, Vincent âgé de quatre ans, le 13 décembre puis Françoise âgée d’un peu plus d’un an le 26 décembre 1759. Cinq ans plus tard, la veille de Noël 1764, c’est son épouse qui décède à tout juste quarante ans.

Edmé se retrouve donc seul avec quatre jeunes enfants âgés de onze à deux ans. Probablement que la famille se mobilise pour lui venir en aide au moins à court terme. Un an plus tard soit le 13 janvier 1766, il épousa Brigitte Duchène avec qui il aura trois fils, le deuxième ondoyé à la naissance ne survivra pas alors que les deux autres sont prénommés Edmé. Entretemps, Edmé a perdu le dernier-né de son premier lit Nicolas Martin décédé à l’été 1766.

C’est leur dernier fils, Edmé Nicolas né le 22 mai 1771 qui deviendra mon ancêtre. Malheureusement, Brigitte ne survivra que six semaines à son dernier accouchement et decèdera le quatre juillet 1771 à l’âge d’environ quarante ans.

Edmé, qui a alors quarante et un ans, est veuf pour la deuxième fois en six ans. Il a la charge de cinq enfants âgés de dix-sept ans à quelques semaines. Ses deux filles de quinze et onze ans doivent aider autant que possible.

Comment Edmé s’organise-t-il ? Je l’ignore car ce n’est que quatre ans plus tard, le 10 janvier 1775 qu’Edmé se remarie. Il épouse Charlotte Ducerf âgée de cinquante-cinq ans, et récemment devenue veuve de Jean Olignier, un sabotier de Mont-Saint-Sulpice. Celle-ci a eu huit enfants avec son premier mari mais tous sont morts très jeunes.

Ils vivront ensemble un peu plus de vingt ans, jusqu’au décès d’Edmé, le 21 juin 1795, à l’âge de soixante-six ans. Ce sont ses deux fils qui déclareront son décès. On les dit tous les deux tourneurs. Malgré les dix-sept ans qui les séparent, ils semblent très proches.

L’an troisième de la République française une et indivisible, le quatre messidor, huit heures du matin, pardevant moi Edme Lefet, Premier officier municipal de la commune du Mont-St-Sulpice, et officier publique de ladite commune, à l’effet de recevoir et constater les naissances, mariages et décès des citoyens de cette commune, est comparu en la maison commune dudit lieu, Nicolas Gamard, tourneur, âgé de __ ans, demeurant en cette commune, lequel m’a déclaré que Edme Gamard son père, âgé de soixante __ ans, était décédé au Mont le jour d’hier, environ dix heures du soir, et d’après cette déclaration je me suis sur le champ transporté au domicile dudit Edme Gamard, où étant j’ay constaté le décès dudit Edme Gamard, et j’en ai rédigé l’acte de décès en présence dudit Nicolas Gamard son fils, de Edme Gamard aussy son fils, tourneur demeurant à Seignelay, ägé de __ ans, et de __ Ducerf son épouse, tous témoins qui ont signés avec moy à la réserve dudit Gendot qui a declaré ne scavoir signer de ce interpellé.
Fait en la maison commune dudit Mort, les jour, mois et an susdit.
AD89 – NMD 1792-An 8 – Page 304

À ma connaissance, ce seront ses deux seuls enfants à fonder une famille. L’ainé Edmé Gamard épousa Françoise Mangin en juillet 1776. Ils auront dix enfants mais seulement leur fille cadette atteindra l’âge adulte et fondera sa propre famille.

Enfin, son fils cadet Edmé Nicolas Gamard épousa Marie Finot en janvier 1797, soit deux ans après le décès de son père. Je leur connais cinq enfants dont les deux filles ainées quitteront l’Yonne pour Paris. Je descends de la benjamine qui épousa mon ancêtre de cinquième génération : Charles Joseph Constant Guillaumant.

Tombeau reliquaire de Saint Edmé à l’abbatiale de Pontigny Photo de Rolf Kranz -Wikipedia

Diminutif d’Edmond, le prénom Edmé vient d’Edmond Rich d’Abingdon, qui fut Archevêque de Cantorbury et qui avait un lien particulier avec Pontigny situé à seulement onze kilomètres du Mont-Saint-Sulpice.

Edmé naquit en Angleterre, dans la petite ville d’Abington. La légende rapporte que c’est à la suite d’une apparition que Edmé décide de devenir prêtre. Cependant l’histoire rapporte qu’après des études à Oxford puis à Paris, il devint l’un des plus grands prédicateurs de son temps.

Vitrail d’Edmé à l’église Sainte Savine

Sa renommée poussa le pape Grégoire IX à lui proposer le siège de Cantorbéry. Edme n’accepta que par obéissance et il fut sacré en 1234. Il entra alors en conflit avec Henri III, roi d’Angleterre. En effet, celui-ci s’arrangeait pour laisser des bénéfices ecclésiastiques vacants afin d’en percevoir le revenu. Edmé reçut du pape une bulle qui l’autorisait à pouvoir aux bénéfices qui ne seraient pas remplis après six mois de vacances. Mais le roi empêcha l’exécution de cette bulle.

En 1240, suivant l’exemple de son prédécesseur, saint Thomas Beckett, il prend la résolution de se réfugier en France où il est accueilli par Blanche de Castille et saint Louis. Edmé se retire d’abord à l’abbaye de Pontigny, puis au monastère de Soisy, près de Provins, où il meurt le 16 novembre 1240.
Son corps est alors embaumé et ramené dans l’abbatiale de Pontigny, où il repose depuis lors. Son cœur et ses entrailles restent à Provins dans l’abbaye Saint-Jacques.

Edmé est vénéré comme protecteur des enfants morts sans baptême. C’est à ce titre qu’il est fréquemment représenté avec un enfant mort à ses côtés. Il est fêté : le 16 novembre.

Finalement, un petit mot pour dire qu’après avoir rédigé cet article, j’ai essayé d’accéder au site des archives départementales de l’Yonne afin d’inclure, comme je le fais toujours, du visuel et peut-être des extraits d’actes.

Malheureusement, le site est désormais, et jusqu’à nouvel ordre, inaccessible en soirée et les weekends. Cette mesure a été prise en réponse aux centaines d’attaques informatiques en provenance de Russie, de Chine ou de Corée du Nord que subit le site du Conseil départemental. De plus, toujours en lien avec ces attaques, plusieurs autres sites d’archives commencent à restreindre l’accès aux étrangers. Je publie donc cet article avec l’information que je possède actuellement en espérant pouvoir le compléter et l’enrichir à un moment donné.

Sources :

C comme Cécile, la Cloche d’Herbilly

Carte postale d’Herbilly et de son clocher

Le défi lancé par Upro-g (l’Union professionnelle des généalogistes) pour le mois de janvier 2023 concerne l’histoire d’une cloche. Je ne suis qu’une généalogiste amateur mais c’est pour moi l’opportunité de vous parler d’un fait divers aux conséquences importantes dont je ne pourrais vous parler autrement. Je saisis donc l’occasion au bond pour vous parler de Cécile, la cloche d’Herbilly que l’on pourrait tout aussi bien appeler la cloche de la discorde.

Herbilly, est un hameau du Loir-et-Cher à mi-chemin entre Blois et Orléans. Mes ancêtres les Chapeau, les Fouquet et les Breton y vivaient au 18e siècle. Mais, c’est près d’un demi-siècle plus tard, soit en janvier 1841, que Herbilly et Courbouzon firent parler d’eux à travers le royaume alors sous la Monarchie de Juillet.

D’abord, il s’était agi de la paroisse d’Herbilly qui en 1802 avait été amalgamée pour des raisons de simplification administrative à celle de Courbouzon située à un kilomètre. En 1808, c’était le hameau qui devait subir le même sort. Les paroissiens d’Herbilly ne digéraient pas la disparition de leur église qui avait été vendue et dont le mobilier et les ornements avaient été transférés à Courbouzon qui, quoique plus populeuse, avait une église plutôt simple et dénudée.

Dès 1806, une bonne trentaine de citoyens d’Herbilly exaspérés par la situation avaient fait circuler une pétition destinée au ministre des cultes ou à celui de l’intérieur pour s’opposer au « démeublement » de leur église. Le maire avait même dénoncé la situation auprès du préfet.

Je vous dénonce la conduite illégalle de 30 à 40 citoyens de la commune d’Herbilly à la tête desquels Etarine (?) l’adjoint Municipal, homme absolument mal dans sa place, Gobert-Monceau tanneur, Noël Ragon, Thomas Chevalier père, Thevot, Gaibert-Venot, et autres, qui le jour d’hier, à mon insu et sans m’avoir préalablement consulté se sont rendu en troupe à Mer pour faire dresser une pétition en noms collectifs qu’ils doivent adresser soit au ministre des cultes ou à celui de l’intérieur relativement à la manière dont les fabriciens de Courbouzon ont démeublé l’église d’Herbilly, par suite de vos ordres. La quelle pétition ils ont ensuite colportée à Herbilly pour la faire signer de plusieurs, et recevoir d’eux leur portion contributive…

Alors, seuls subsistaient de l’église le clocher et sa cloche qui servaient également d’horloge pour les habitants. Trente-cinq ans plus tard, les tracasseries étaient loin d’être terminées. Ainsi, vers 1840 ou 1841, une nouvelle dispute avait éclaté entre les habitants des deux villages au sujet de la cloche d’Herbilly convoitée par le curé de Courbouzon. Voici comment la presse résume la situation :

Des troubles ont éclaté à Courbouzon, petite commune du département de Loir-et-Cher. Voici les faits qui ont donné lieur à ces désordres :

Les communes de Courbouzon et d’Herbilly ont été réunies par un décret impérial ; c’est dans l’église de Courbouzon que se célèbrent les cérémonies. Mais la commune d’Herbilly a aussi une église et un clocher garni d’une cloche qui sert en même temps d’horloge. M. le curé de Courbouzon réclame à la fabrique commune aux deux villages la cloche d’Herbilly. MM. les fabriciens décidèrent dans le sens du voeu du curé. Par suite de la délibération de ladite fabrique et ensuite du conseil municipal, la cloche d’Herbilly devait être transportée à Courbouzon ; mais les habitants d’Herbilly résistèrent en disant que leur cloche leur était nécessaire, non seulement parce qu’elle leur servait d’horloge, mais aussi parce qu’en cas d’incendie ou de tout autre sinistre, il fallait qu’on pût sonner le tocsin ; ils portèrent la contestation devant le conseil de préfecture, offrant même de payer à la commune de Courbouzon la valeur de la moitié de la cloche en litige.

Le conseil de préfecture n’entendit à aucun arrangement, et, décidant dans le sens de la fabrique et de la volonté du curé, il adjugea la cloche au clocher de Courbouzon. En vertu de cette décision administrative, un représentant de la fabrique de Courbouzon, assisté de charpentiers, vint vendredi dernier prendre possession du clocher d’Herbilly, et se prépara à l’enlèvement de la cloche. A cette nouvelle, le village presque entier se souleva ; les femmes surtout montrèrent une grande ardeur dans la défense de leur cloche. Elles chassèrent les charpentiers, détrusirent leurs échafaudages, coupèrent les cordes, etc. La gendarmerie de Mer fut mandée, mais on la reçut à coups de boules de neige. La force publique avait été méconnue, l’exaspération générale était telle qu’on crut devoir s’appuyer sur des forces imposantes : c’est alors que M. le juge de paix demanda en toute hâte du renfort au chef-lieu. A l’arrivée des trois compagnies d’infanterie de la ligne expédiées de Blois, les habitants d’Hervilly avaient tous disparu, et la cloche put être enlevée sans obstacle.

En fait, l’armée repartit avec quelques prisonniers incluant des femmes et des enfants qui furent interrogés puis relâchés. Mais, les relations entre les deux communes continuèrent de s’envenimer. Quelques jours plus tard, soit le 19 janvier, le journal le Courrier français nous informe des derniers développements.

Le Courrier du Loir-et-Cher revient sur une affaire dont nous avons entretenu déjà nos lecteurs et il ajoute les particularités suivantes. « Le curé et les autorités civiles de Courbouzon sont fort embarrassées de la cloche qu’ils ont enlevée au hameau d’Herbilly. Après avoir dépensé 150 fr. en travaux de charpente dans l’insuffisant clocher de Courbouzon on s’est aperçu que la cloche ne pouvait pas marcher, et que de plus le son quelle rend se marie d’une manière désagréable avec celle qui existe déjà. Maintenant il est question d’élever le clocher d’un étage, ce qui coûtera for cher. Le conseil municipal de Courbouzon va être appelé à voter cette dépense ; mais ce qu’il y a d’odieux, c’est que le hameau d’Herbilly, déjà dépouillé de sa cloche, sera encore forcé de contribuer à la dépense faite pour la loger. Ainsi on a enlevé une cloche d’une tour où elle se trouvait parfaitement placée pour servir de beffroi aux communes voisines, et cela sans savoir où on pourrait la placer. L’autorité départementale est-elle excusable d’avoir ignoré toutes ces circonstances ? »

Cet article nous apprend que les choses bougent aussi à Herbilly où les villageois ne décolèrent pas et échafaudent même différents scénarios pour reprendre leur vie en main.

« Mais voici bien une autre affaire. Les habitans d’Herbilly ne parle de rien moins que de se faire protestans, et de se réunir pour le culte à la commune d’Aulnay. M. Dattin, nous écrit-on de Mer, se propose d’acheter le clocher d’Herbilly et d’y placer une nouvelle cloche. On parle même de la restauration de l’église, dont on ferait ultérieurement l’usage que l’on jugerait convenable. En attendant, il faut espérer que M. le préfet ne sanctionnera pas le vote du conseil municipal de Courbouzon qui fera peser sur les deux communes la dépense de l’élévation du cloche de Courbouzon. Ce vote serait d’autant plus injuste que dans le conseil municipal ne siégent que deux habitans d’Herbilly. Courbouzon abusant de la supériorité du nombre de ses habitans a constamment repoussé du conseil les contribuables du hameau voisin. »

Ces rumeurs de conversion étaient bien plus que des paroles en l’air. De nombreux paroissiens, en colère après le curé de Courbouzon et par son entremise après l’Église catholique, décidèrent de se joindre à une congrégation protestante située à environ six kilomètres de leur village. D’autres se rendaient écouter l’office à l’église de Mer située à cinq kilomètres ou encore dans d’autres communes avoisinantes.

Carte postale du clocher d’Hellerby avant qu’il ne retrouve sa cloche et son horloge en 1921

Afin de bien signifier leur position, les habitants d’Herbilly demandèrent à être séparés administrativement de Courbouzon pour être jumelés au village de Mer. Cette demande finit par leur être accordée par décret présidentiel voté par le conseil des pairs en juillet 1847.

Une fois séparée de Courbouzon, Herbilly demanda qu’on lui rende sa cloche ce qui amena de nouvelles disputes, tractations et démarches alors qu’on leur demandait de racheter un bien qu’ils considéraient s’être fait enlever de force. Herbizon finit par récupérer sa cloche en 1921.

Enfin, comme la rancoeur est tenace, aucun jeune d’Herbilly n’était autorisé à fréquenter ceux de Courbouzon. Il fallut attendre 1942 avant que deux jeunes de ces deux communes ne se marient. Soit cent ans après le transfert de la cloche et vingt-et-un ans après son retour !

D’ailleurs, l’histoire faisait encore la manchette en 2010 à l’occasion de la restauration du clocher de l’église d’Herbilly dont voici un extrait de l’article paru dans La Nouvelle République pour l’occasion :

Quant à Maurice Leroy, président du conseil général, c’est avec un grand plaisir qu’il a raconté l’affaire amusante de Cécile, la cloche d’Herbilly : « La tentative de transférer cette cloche vers Courbouzon en 1841, sous prétexte que l’église d’Herbilly était désafectée, a provoqué la résistance des habitants, le rattachement d’Herbilly à Mer et une animosité tenace entre les deux villages qui ne s’est éteinte qu’en 1942 avec le mariage d’un gars d’Herbilly avec une fille de Courbouzon ». Mais surprise de Maurice Leroy : la fille était là dans l’assistance ! Pierrette Guillot mariée à Louis Camus en 1942 !

J’ignore si c’est La Nouvelle République ou Maurice Leroy, président du conseil général, qui a qualifié l’affaire « d’amusante ». Mais, il est bien évident que les protagonistes de l’époque, qui avaient probablement fait bien des sacrifices pour meubler leur église et acquérir leur cloche, ne l’entendaient pas du tout ainsi. De plus, les deux hameaux étant si proches géographiquement, plusieurs familles avaient dû se retrouver dans des camps opposés et se déchirer.

Sources :

L comme Légende familiale : Paul Poirrier

Paul Poirrier avec ma grand-mère Christine Frey, veuve Guillaumant – Photo colorisée avec le programme de MyHeritage

Chaque famille a son lot d’histoires dont certaines peuvent être qualifiées de légendes. On ignore comment elles ont commencé. J’aime à penser que c’est un peu comme pour le jeu du téléphone. Vous savez, on dit quelque chose à quelqu’un qui le répète à son voisin et ainsi de suite. Après une dizaine de répétitions, le message s’est transformé et ne ressemble plus beaucoup au message initial.

Paul Poirrier (debout à droite) travaillait comme régisseur aux studios de cinéma Éclipse tandis que Christine Frey (à sa droite) était couturière-tapissière

Pépère Paul était le compagnon de ma grand-mère paternelle. Comme je l’ai raconté dans mon dernier article, Christine Frey, qui avait trois jeunes enfants, est devenue veuve de guerre à l’âge de trente-trois ans. Après quelque temps, elle avait commencé une relation avec Paul Poirrier, un collègue de travail, régisseur aux Studios Éclipse.

Robert Poirier de Narcay, médecin et député de la Seine

Alors, l’histoire qu’on m’a racontée au sujet de Paul Poirrier va ainsi : Il aurait été le fils cadet de Robert Poirier de Narcay un médecin qui fut député du département de la Seine de 1914 à sa mort en 1918. Il aurait perdu son père très jeune, aurait hérité d’une petite fortune qu’il aurait dilapidée en faisant les quatre cent coups. Sa famille n’étant pas intéressée à le garder sous tutelle, il aurait été émancipé bien avant l’âge légal. Il aurait aussi décidé de se débarrasser de sa particule, qui ne cadrait soit disant pas avec sa profession et son mode de vie, pour ne garder que le patronyme de « Poirrier ».

Bien sûr, l’histoire m’a interpellée et j’ai voulu en savoir plus. Une des premières choses qui m’a frappée est la différence d’orthographe : Paul avait deux « r » à son nom tandis que Poirier de Narcay n’en avait qu’un. Mais dès que j’ai pu confirmer les dates de naissance et de décès de Paul, les différences, écarts et questions n’ont fait que s’accumuler.

Robert Poirier de Narcay était né en 1859, à Saint-Syphorien dans l’Indre-et-Loire et Paul Poirrier en 1883, à Esternay dans la Marne, aux portes de la Champagne. Comme vingt-quatre ans les séparaient, les dates, à tout le moins celles de leurs naissances auraient peut-être pu fonctionner mais Robert Poirier de Narcay étant mort en 1918, Paul avait alors trente-cinq ou trente-six ans. L’histoire de l’orphelin mineur ne tenait plus.

De plus, une fois retracés, les actes de naissance et de décès de Paul, qui sont consultables en ligne, indiquent bien qu’il était le fils de Louis Joseph Poirrier, greffier de paix, et de Rose Augustine Millet. Un peu plus de recherche m’a confirmé qu’il était bien le fils cadet d’une fratrie de quatre enfants. Ses frères et soeurs étaient beaucoup plus âgés que lui et l’ainée était déjà mariée au moment de sa naissance. Il était également orphelin de père celui-ci étant mort, à l’âge de cinquante-neuf ans, quand il avait seulement six ans. À l’âge de dix-huit ans, il perdait sa mère.

Une bonne partie de l’histoire se confirmait donc: il était bien devenu orphelin avant d’être officiellement majeur et avait probablement hérité de sa mère. Mais d’où pouvait bien venir cette histoire de père député ?

Louis Alfred Poirrier sénateur
de la IIIe république

En cherchant parmi les députés de la troisième république, je suis tombée sur deux Poirrier. D’abord François Poirrier né à Clermont-en-Argonne dans la Meuse, qui semble sans lien de parenté, puis Louis Alfred Poirrier, né à Esternay dans la Marne. Louis Alfred a commencé sa carrière politique comme conseiller municipal en 1855 avant d’être élu maire d’Esternay dix ans plus tard, en août 1865. Il s’est ensuite impliqué au niveau régional comme Conseiller général de la Marne, avant d’être élu Vice-président du Conseil général toujours de la Marne, en 1883. Il est élu sénateur pour la première fois en 1894. Réélu en 1897, il s’associe au groupe de la gauche républicaine avant de décéder l’année suivante. Il avait été nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 1884.

Le fait que Paul et Louis Alfred soient tous deux nés à Esternay ne pouvait pas être une simple coïncidence et méritait d’être exploré.

Graphique de parenté entre Paul et Louis Alfred Poirrier

C’est ainsi que, de fil en aiguille, j’ai refait leurs arbres généalogiques pour remonter jusqu’à Jean François Poirrier (1731-1800) et Marie Jeanne Cordoin (1729-1780) qui étaient les aïeuls communs de Paul et Louis Alfred. Fils de tisserand, Jean François était notaire royal puis, après la révolution, notaire public.

Le couple a eu dix enfants dont sept filles et trois garçons incluant Jean François, le deuxième du nom, né en 1766 et Louis Augustin, le dernier de la fratrie, né en 1772. Louis Augustin Poirrier, l’arrière-grand-père de Paul était donc le frère de Jean François Poirrier, le grand-père de Louis Alfred. Les deux frères avaient suivi les traces de leur père en s’engageant dans des professions juridiques : Jean François était également notaire royal puis impérial et même maire d’Esternay. Louis Augustin était greffier de la justice de paix.

Les Poirrier étaient assez importants dans la commune d’environ 2000 âmes d’Esternay. Ainsi, avant Louis Alfred, c’était son père Louis François qui faisait office de maire tandis que le grand-père de Paul était aubergiste. Ainsi, chez les Poirrier, on comptait un instituteur, un aubergiste, des notaires et des greffiers de justice, certains de père en fils.

Pépère Paul est décédé, seul chez lui, par une froide nuit d’hiver, le 23 janvier 1955. Les semaines précédentes avaient été marquées par de fortes pluies qui avaient fait sortir la Seine de son lit. Dehors, les rues étaient inondées.

Christine Frey, son amie de coeur, était morte presque dix ans plus tôt et il est resté à ses côtés jusqu’à son dernier souffle. Mais, même après toutes ces années, il faisait toujours partie de la famille Guillaumant. À ce titre, il fut le témoin au mariage de mes parents tout comme il l’avait été à celui de ma tante Gilberte. Il habitait encore le même immeuble de la rue de Vaugirard où Christine avait été concierge et où il louait toujours une petite chambre de bonne qui, à ce que l’on m’a dit, était remplie de livres.

Conclusion, si cette légende familiale est en partie basée sur des faits réels, les noms des protagonistes et le déroulement de l’histoire se sont transformés au fil du temps, des conversations, et probablement des générations. Ainsi on a confondu, entre autres, un Poirrier avec un Poirier, un député avec un sénateur ainsi qu’un parent éloigné avec un père. La mémoire est bien curieuse et capricieuse alors que les glissements de sens et fausses associations sont malheureusement choses courantes.

J’ai encore quelques légendes et mystères à élucider qui ne sont cependant pas aussi simple à résoudre que cette histoire, mais dont j’aurais peut-être l’occasion de vous parler.

Sources :

V comme Veuves de guerre et autres

Remises de décorations aux familles des soldats morts pour la patrie
Documents from the Photographic Section of the French Army: 1914-16, Album I (clarkart.edu)

Je n’ai jamais connu mes grands-parents paternels, ils sont morts bien avant ma naissance. Cependant, ma famille paternelle est probablement celle que je connais le mieux et sur laquelle j’ai le plus d’informations.

On parle beaucoup de nos jours de l’absence du père et du manque de modèles masculins. Cependant, en étudiant mes ancêtres, force est de constater que c’est loin d’être un nouveau phénomène. Que ce soit dû aux guerres, à des accidents ou simplement à la maladie, j’ai été frappée par le nombre important de veuves et d’orphelins dans ma famille paternelle, et probablement dans de nombreuses familles françaises.

Tant ma grand-mère, Christine Frey que sa propre mère Aline née Victorine Judasse étaient veuves. Durant de longues années, leur survie et celles de leurs familles étaient précarisé par une économie essentiellement basée sur le travail masculin. Tant le travail que les salaires des femmes étaient bien moindres que celui des hommes et en leur absence, la survie des familles exigeait de grands sacrifices.

En février 1907, Aline a perdu son mari Jean Frey âgé de cinquante-deux ans alors qu’elle-même n’a que quarante-six ans et a à charge ses quatre derniers enfants qui sont âgés de six à dix-sept ans.

En 1907, Christine, sa fille aînée, est âgée de vingt-trois ans et vit à Paris. Elle est déjà mariée et attend son deuxième enfant. Neuf ans plus tard, ce sera son tour de perdre son mari Édouard Guillaumant au champ de bataille. Ses trois enfants, dont mon père, seront déclarés pupilles de la nation un an et demi plus tard tandis qu’elle va recevoir une maigre allocation de 563 francs par an, comme veuve de guerre. 

Extrait du journal officiel de la République française du 17 avril 1918 -Gallica

Bien avant que Christine ne soit veuve, les deux femmes vont s’unir et s’entraider. Ainsi, Aline va entrer, grâce à sa fille, dans la famille Guillaumant. À partir d’août 1907, elles ont à elles deux, six enfants dont un nouveau-né et une enfant de moins de trois ans. Quand Aline s’occupe du ménage, des courses et de la cuisine, cela permet à Christine d’aller travailler. Aline ou une de ses grandes filles s’occupe aussi des enfants.

Tout au long des déménagements de la famille Guillaumant de Paris à Choisy-le-Roi vers 1907, puis à Neuilly trois ans plus tard, Aline est intégrée et reste avec la famille de sa fille.

Aline est ensuite, vers 1911 ou 12, allée rejoindre sa propre mère qui demeurait encore à Filain, son village natal, dans l’Aisne. Elle y vit encore en 1913 quand Jean Pierre Frey, son fils aîné part pour le service militaire. Ses petits-enfants vont les rejoindre pour les vacances d’été. Mais, dès le début de la guerre de 1914, le village qui sera éventuellement détruit doit être évacué.

Quand Christine, âgée de trente-trois ans, devient veuve de guerre, en septembre 1916, le système d’entraide mère-fille est encore renforcé, alors qu’au fil du temps et des départs dus aux décès, mariages ou service militaire, la famille va se recomposer. Ainsi, quelques mois après avoir perdu son mari, Christine va perdre son beau-père Hippolyte Guillaumant, en janvier 1917. Âgé de seulement soixante deux ans, il était probablement toujours actif professionnellement et un membre important de la famille élargie. Après, ce sera au tour de sa soeur Madeleine de se marier en juillet 1920 ; elle a vingt-neuf ans. Deux mois plus tard, en septembre 1920, c’est son frère Jean Robert, âgé de dix-neuf ans, qui se marie.

Mais, les Frey et les Guillaumant sont tissés serrés et c’est cette entraide qui leur permet de tenir et de survivre à Neuilly-sur-Seine où ils vivent depuis qu’ils ont quitté Choisy-le-roi, suite aux inondations de 1910.

Pour Christine, tout comme pour sa mère, toute leur vie aura été sous le signe de l’adaptation et de la résilience : multiples déménagements, changements de métiers. L’important étant de toujours retomber sur ses pieds.

Leurs réalités sont cependant différentes. Même si Aline se dit rentière à la mort de son mari, j’ignore si elle a eu droit à une pension. Christine, elle en tant que femme de soldat mort au combat a reçu une très modeste pension bien plus modeste que celle d’une veuve d’officier, par exemple.

Cependant, les veuves de la Grande Guerre se comptent par centaines de milliers et la majorité d’entre elles ont des enfants à charge. On compte ainsi plus d’un million d’orphelins. Ils sont tellement nombreux que la poste leur dédie même un timbre représentant une veuve entièrement vétue de noir devant les croix des tombres et suivie d’une référence aux orphelins de la guerre.

« …ce groupe, défini stricto sensu par la loi Lugol du 31 mars 1919 qui instaure un droit à pension assez large, bien que modique, est massif (environ 700 000 pensionnées, puisque s’ajoutent aux 600 000 veuves directes du conflit les veuves de blessés décédés après 1919 ou de disparus). Au sortir de la guerre, la grande majorité d’entre elles avoisine la trentaine et les quatre-cinquièmes d’entre elles ont au moins un enfant mineur. »  https://www.cairn.info/revue-d-histoire-de-la-protection-sociale-2021-1-page-151.htm

Bien vite, des emplois leur sont réservés en priorité comme aux bureaux de tabac, aux postes et dans d’autres services administratifs. Mais, ces postes ne semblent pas avoir fait partie des solutions privilégiées par les Frey-Guillaumant qui ont plutôt choisi de rester dans leur domaine de travail.  En 1921, Christine travaille toujours comme couturière et tapissière aux studios de la compagnie cinématographique Éclipse. Plus tard, la famille a aussi compté sur le travail des enfants dans le domaine de la ferronnerie d’art en s’engageant chez Paul Kiss. Juste avant le krash boursier, ce fut presque une période de prospérité alors que la mère et les trois enfants travaillent. Aline vit avec eux et s’occupe du foyer.

Recensement de 1921 -Neuilly-sur-Seine, Arichives du departement des Hauts de Seine

Ma grand-mère, Christine Frey ne s’est jamais remariée. Probablement pas par choix alors que Paul Poirrier, un régisseur qui travaillait avec elle aux studios Éclipse, est devenu son partenaire de vie. En se remariant, elle aurait perdu son allocation de veuve de guerre. Aussi, vu les salaires modestes que l’un comme l’autre devaient gagner, leur couple aurait beaucoup perdu en officialisant leur relation.

« La pension des veuves est de 800 francs par an, avec 500 francs supplémentaires par enfant mineur. Après la guerre, alors qu’il est demandé aux femmes de laisser les emplois aux hommes revenus du front, cette somme est jugée insuffisante par les concernées. Les associations de veuves protestent contre « une absence de véritable statut » dans la loi, qui leur retire la pension en cas de remariage. En 2007, l’historienne Stéphanie PETIT a établi que 42 % des veuves de 14-18 se sont ensuite remariées. » Les femmes pendant la Grande Guerre – UNC-AFN-Boissiere-montaigu (unc-boissire-montaigu.fr)

Ainsi, ils gardaient des appartements séparés même s’ils vivaient parfois dans le même immeuble. Ce fut le cas au 403 bis rue de Vaugirard où ma grand-mère Christine avait pris une charge de concierge pendant qu’André, son fils cadet, était parti au service militaire, puis à la guerre. Paul louait alors une petite chambre de bonne sous les toits et l’aidait avec l’entretien de l’immeuble.

Christine Frey (veuve Guillaumant) assise à côté de son compagnon Paul Poirrier –  Photo de famille

Bien qu’à l’époque, les attentes concernant la conduite et même l’habillement des veuves soient très strictes, Paul Poirrier est bien accueilli par l’ensemble des Guillaumant qui trouvent normal que Christine veuille refaire sa vie. Paul restera en contact avec les enfants Guillaumant jusqu’à son décès en janvier 1955, soit près de dix ans après la disparition de Christine. Il sera, entre autres, témoin au mariage de Gilberte la fille ainée de Christine ainsi qu’à celui de mes parents. Dans un prochain article, je compte vous en dire davantage sur sa vie.

Pour Christine, la vie continue jusqu’en 1940 alors qu’elle perd sa mère puis, en 1945 c’est elle qui décède d’un cancer. Son fils André, très amaigri et malade est rentré quelques mois plus tôt du Stalag XI, le camp de travail en Allemagne où il était prisonnier depuis cinq ans.

Sources :